Le 23 août 2018
L’un des premiers films des Taviani, aride et passionnant.
- Réalisateurs : Paolo Taviani - Vittorio Taviani
- Acteurs : Gian Maria Volonté, Lucia Bosè, Giulio Brogi
- Genre : Fantastique, Dystopie
- Nationalité : Italien
- Durée : 1h40mn
- Titre original : Sotto il segno dello scorpione
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– Année de production : 1969
Résumé : À la suite d’une éruption volcanique sur leur île, des hommes en rejoignent une autre où ils se font de nouveaux compagnons. Mais ils projettent de rejoindre le continent, jugé plus sûr.
Critique Sous le signe du scorpion est constitué de trois parties inégales : les réfugiés d’un tremblement de terre sont d’abord seuls sur le rivage ; puis ils font la rencontre des autochtones ; enfin ils reconstruisent ailleurs un autre village. Ce qui unit ces trois segments, outre un style décontenançant, c’est le regard désenchanté porté sur les groupes humains, et peut-être l’impossibilité de vivre en société. Si la fin semble porter des germes d’espérances, elle se fonde sur des meurtres et des rapts, et la mauvaise conscience des fondateurs du nouveau monde s’exprime par des dialogues douloureux. Autrement dit, ce film-fable, rugueux et énigmatique, incarne une vision sombre des hommes, en fort contraste avec l’image lumineuse et ensoleillée qui domine.
Il y a bien des péripéties (scènes de violence, disputes), mais l’impression générale, par le jeu d’un montage heurté, par le choix fréquent de plans larges et la faible individualisation des personnages, par la succession de séquences difficilement compréhensibles (rires, rituels avec des clochettes), est celle d’un puzzle dont toutes les pièces ne s’assemblent pas ; le refus de la cohérence colle au récit, tant les actes des hommes sont absurdes et contradictoires. Ainsi les Taviani insistent-ils sur les tergiversations du chef (partir, ne pas partir, tuer les intrus, ne pas les tuer) ; globalement les actes paraissent mus davantage par l’humeur et les pulsions du moment que par la réflexion.
Si le film est dérangeant, c’est que son sens n’est pas univoque : il y a bien les atours de la fable, voire du conte (temps et lieu indéterminés, personnages sans noms, île-monde), mais l’idéologie qu’on attendait de pareil sujet se dilue dans des épisodes presque autonomes, signes abscons d’un monde irréductible à une traduction symbolique. Il n’y a à proprement parler ni bons ni méchants, plutôt des foules faibles et moutonnières, ni morale implicite, ni allégorie transparente. Au contraire, quand on croit comprendre (par exemple le personnage de Gian Maria Volonté s’apparente un temps à un dictateur capricieux), le film suit une autre piste, délaissant l’embryon de réflexion amorcé. Ou plutôt, ce sens est bien présent, mais se complique et s’enrichit d’autres éléments. Il en est de même pour la diversité des tons, qui ne cesse de déconcerter : entre vulgarité, tendresse et tragédie (le rapt des femmes et leur suicide collectif, magnifique séquence), Sous le signe du scorpion évolue en constantes ruptures. Inutile de dire qu’il n’en est que moins aimable, moins confortable. Et pourtant, malgré quelques maladresses et trous d’air, il s’impose comme une œuvre fascinante, âpre description d’un monde tourmenté où la violence envers hommes, femmes, enfants et animaux est la règle. À ce titre, ce film peu connu et difficile d’accès mérite l’effort nécessaire à sa vision, d’autant que sa beauté formelle et son utilisation incongrue de la musique ne peuvent pas laisser indifférent.
Selon le site encyclopédique Encyclociné.net, le film serait inédit à Paris, hors des présentations en festival ou rétrospective. Il pourrait être sortir en province, de façon régionale.
- Illustrateur : P. Franco (1969)
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