Le 30 août 2016
Une magnifique chronique, retenue et bouleversante, dans laquelle le style si singulier de Hou Hsiao-Hsien s’épanouit.
- Réalisateur : Hou Hsiao-hsien
- Acteurs : Tien Feng, Yu An-shun, Hsin Shu-fen
- Genre : Drame
- Nationalité : Taïwanais
- Durée : 2h18mn
- Reprise: 3 août 2016
- Titre original : Tong nien wang shi
- Date de sortie : 28 avril 1999
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– "Un temps pour vivre, un temps pour mourir" est à retrouver en intégralité sur CINE+ A LA DEMANDE
– Année de production : 1985
Résumé : En 1947, alors qu’il n’est encore qu’un bébé, Ah-ha et sa famille partent de Chine pour Taïwan. Ils s’installent d’abord près de Taipei, puis déménagent au sud de l’île où le climat est plus clément pour le père, asthmatique. Choyé par sa grand-mère, le petit Ah-ha grandit au sein d’une famille bientôt frappée par la maladie : du petit garçon espiègle qu’il était à dix ans, il se mue en adolescent taciturne et révolté…
Notre avis : Un temps pour vivre, un temps pour mourir, au beau titre digne d’un mélo de Sirk, est une chronique autobiographique, bien dans la manière de Hou Hsiao-Hsien, celle d’une distanciation : distanciation au sens propre d’abord, tant le cinéaste privilégie les plans larges ; mais aussi dans le refus du pathos ou de l’attendrissement facile. Pourtant le film nous touche, par sa description minutieuse, quelquefois absconse (telle référence historique, le passage d’une troupe à cheval) d’une vie dans ce qu’elle a de dramatique (les morts dans la famille) ou d’anodin ; en se concentrant sur sa vie, HHH atteint l’universel dans une expérience mémorielle qui, bien que chronologique, semble laisser place à l’arbitraire du souvenir.
Ainsi la mort du père, brusque, est-elle associée à une coupure d’électricité ; au contraire celle de la mère, annoncée par la maladie, émeut-elle par les départs à l’hôpital et le sentiment de l’inéluctable ; le cinéaste ne cache rien de ce que peut avoir de cruel le traitement du cancer autant que le cancer lui-même. Là encore, pas d’embellissement, mais pas non plus de voyeurisme insistant. C’est que le grand talent de HHH est de trouver la bonne distance ainsi que la bonne temporalité : s’il filme de loin, il sait aussi à quel moment couper ses séquences longues afin qu’advienne quelque chose, de l’ordre du sentiment ou de l’ineffable. Prenons un exemple : la fille et la mère lavent le parquet ; la première se lance dans une évocation de son parcours scolaire, exprime un regret, puis, saisie d’émotion, quitte le champ. Le cinéaste ne coupe que quelques secondes plus tard, sans poursuivre la fille. Le temps pour le spectateur de compatir, peut-être, ou de faire des rapprochements avec sa vie, ou de goûter la beauté du plan. C’est l’une des constantes du film que de laisser des moments qui lui donnent une plus grande densité, une plus grande profondeur.
Si HHH maîtrise les cadrages, jouant dans les intérieurs des nombreuses lignes verticales et horizontales, des obstacles, créant des sur-cadrages variés, jamais cette préoccupation esthétique ne tourne à l’académisme ou au maniéré : elle est simplement juste, exacte, parfois bouleversante (voir par exemple le plan de la main de la grand-mère à sa mort). Au fond le réalisateur privilégie la retenue, mais, à la manière des auteurs classiques, c’est de litote qu’il s’agit.
Ancré dans une époque précise et allusive à la fois, le film s’inscrit également dans des repères géographiques ; on pourrait par exemple relever les occurrences de l’arbre au pied duquel l’enfant enterre billes et argent au début, et qui ne cesse de revenir, presque toujours cadré de la même manière, comme une ponctuation au fil des années. C’est que la vie est une suite de répétitions et de variantes autant que de cassures, de moments forts et de banalités ; c’est dans cet équilibre que HHH excelle, équilibre fragile, délicat, qui menace de rompre à chaque séquence. L’alternance savamment dosée entre ces petits riens (Ah-ha soulève des haltères ou se regarde dans un miroir) et les drames (les trois morts, surtout) forme un puzzle qui construit peu à peu un itinéraire, à la fois très personnel (la vie du cinéaste) et universel.
Même si le film respecte la chronologie, même s’il accumule les plans gratuits ou vides, il n’en est pas moins infiniment pensé et réfléchi : rien de laissé au hasard dans cette succession de séquences, rien de fortuit. Et le miracle, c’est que de cette composition extrême naisse un sentiment de liberté, celle du spectateur, dont HHH n’organise pas la direction, à la manière d’un Hitchcock. Au contraire chacun respirera différemment au long de ces évocations, comme dans certaines œuvres d’Ozu ou de Tarkovski, autres grands cinéastes de la lenteur maîtrisée.
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