Le 31 août 2020
Cette fresque familiale, qui court sur près de soixante-dix ans, s’attarde sur le quotidien de trois générations de Noirs américains, de 1944 à 2010. Plein d’émotion et de finesse, Un soupçon de liberté était finaliste du National Book Award 2017 et a remporté plusieurs prix littéraires du Nouveau-Continent.
- Auteur : Margaret Wilkerson Sexton
- Editeur : Actes Sud
- Genre : Roman & fiction, Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Laure Mistral
- Titre original : A Kind of Freedom
- Date de sortie : 2 septembre 2020
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
L'a lu
Veut le lire
Résumé : Sur soixante-dix ans, Margaret Wilkerson Sexton déroule l’Histoire de La Nouvelle Orléans à travers trois destins, celui d’une femme, de sa fille et de son petit-fils, chacun se relayant pour mieux dépeindre les fractures raciales américaines.
Critique : Margaret Wilkerson Sexton choisit, comme cadre de son premier roman, La Nouvelle Orléans, sa ville natale. Sur près de soixante-dix ans, elle retrace le destin d’une famille noire avec, en filigrane, l’histoire américaine qui se déploie. Pourtant, l’auteure d’Un soupçon de liberté n’évoque pas les moments charnières de la lutte pour les droits des Noirs américains, mais 1944, 1987 et 2010. Bien loin du Civil Right Movement, ce récit est pourtant empreint de son esprit, clame haut et fort que la vie des Noirs Américains ne se résume pas à cette période et à l’esclavage. En s’attardant sur des décennies moins connues, Margaret Wilkerson Sexton porte un nouveau regard sur ces 13,4%* de la société américaine, méprisés et oubliés. Les focalisations s’alternent, le style évolue au rythme des changements d’époque qui se multiplient, le lecteur allant de la grand-mère au petit-fils, retrouvant l’une soixante-dix ans après qu’elle a pris son envol, qui fut le point de départ de ces trois destins mêlés et de cette fresque familiale. Evelyn cohabite avec ses parents et sa sœur, lorsqu’elle rencontre Renard dont elle tombe immédiatement amoureuse, la guerre n’étant alors qu’une rumeur sourde. Trente-trois ans plus tard, Jackie, sa deuxième fille, élève seule T.C., alors âgé de six mois, essayant de se remettre de l’absence de celui qu’elle aimait tant, du père de son fils, addict au crack. Après le passage de Katrina, alors qu’Obama est devenu le premier président Noir Américain, T.C. a bien grandi et sort tout juste de prison où il était incarcéré pour possession de drogue.
Le style est simple, concis, mais jamais dénué d’une certaine douceur âpre. La sensibilité des personnages imprègne les pages. Quelle que soit l’année, leurs pensées et dilemmes les rendent lourdes d’émotions. Comme un lien complémentaire entre elles, suppléant à celui du sang, les deux femmes font face à la maternité, à l’éclosion d’une vie en elles, puis au sein du monde, loin d’être toujours accueillant. Quant à T.C., c’est de loin qu’il assiste au développement de la vie dans le ventre d’Alicia, se jugeant comme illégitime, incapable d’être père – à l’image du sien, une absence plutôt qu’une présence considérée comme indésirable. Ces changements de perspective permettent aux personnages d’exister momentanément, de se gorger d’encre pour devenir vivants, avant de s’atténuer puis de devenir presque une ombre floue dans les chapitres suivants. La construction dessert sans doute le livre de ce point de vue : les ellipses inévitables qu’elle implique ne permettent pas au lecteur de comprendre l’évolution des membres de cette famille, de retrouver dans la silhouette fade et fatiguée de 2010 celle que fut Evelyn lorsqu’elle tomba amoureuse, de reconnaître Jackie cinq ans après le passage de Katrina, de retrouver l’étincelle d’espoir qui l’animait en 1987, alors presque évanouie. T.C. est logiquement celui qui pâtit le moins de cette évanescence, le bébé qu’il fut lui ayant laissé tout loisir de devenir celui qu’il est devenu.
Puissant, profond, touchant, ce roman est en outre riche d’une traduction précise et pointue qui n’hésite pas à privilégier certains bas de pages, afin d’éclairer le lecteur sur un détail vague pour qui n’est pas Néo-Orléanais.
*Source : Bureau du recensement des États-Unis (2019)
Margaret Wilkerson Sexton - Un soupçon de liberté
Actes Sud
11.50 x 21.70 cm
336 pages
22,50€
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.