Le 27 juin 2016
C’est avec une géniale jubilation qu’Altman se livre à un jeu de massacre dans ce grand film moraliste.
- Réalisateur : Robert Altman
- Acteurs : Mia Farrow, Geraldine Chaplin, Vittorio Gassman, Lillian Gish
- Genre : Comédie dramatique, Film choral
- Nationalité : Américain
- Durée : 2h05mn
- Reprise: 6 juillet 2016
- Titre original : A Wedding
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Dans une belle banlieue américaine, un riche et somptueux mariage est sur le point d’être célébré. Invités de choix, cadeaux hors de prix et robes haute couture sont de mise. Mais au fil de la journée, différents événements se succèdent, et la nature en apparence lisse des conviés va se débrider et laisser place à leur véritable personnalité, aussi futile et prétentieuse soit-elle.
Notre avis : Après s’être attaqué à l’armée (MASH, 1970), à l’histoire et au western (John McCabe (1971) et Buffalo Bill et les indiens(1976), Altman continuait avec Un Mariage à saper les institutions américaines. En respectant quasiment les unités de lieu, d’action et de temps, il organise un gigantesque film choral (environ cinquante personnages !) dans un jeu de massacre impitoyable et largement sarcastique. C’est une véritable entreprise de démolition : le joyeux mariage révèle en un implacable crescendo toutes les passions souterraines et elles sont nombreuses ; sexe, passé et fortunes douteux, rancœurs et jalousies … Mais le grand perdant est bien le mariage : celui qui est célébré tourne au drame et à la farce en même temps, mais les invités semblent aussi mal assortis, entre mépris et frustrations. Il n’y a peut-être qu’un personnage sauvé et, curieusement, c’est la journaliste, celle qui devrait être la plus cynique, qui serre sentimentalement le bouquet de la mariée.
Copyright Splendor Films
La cérémonie part sur de mauvaises bases : l’évêque est gâteux, la robe a une tâche et la grand-mère meurt (superbe plan qui part du cadavre pour cadrer la fenêtre et zoomer ensuite sur les invités qui arrivent). Le ver est dans le fruit ; on ne tarde pas à connaître le passé tumultueux du marié, et jusqu’à la fin, avec le départ de Luigi (Vittorio Gassman), les révélations s’enchaînent, toutes destructrices. Altman sait traiter avec humour les moments forts : il faut voir Mia Farrow compter ses amants sur ses doigts, puis sur les doigts d’une autre. Il utilise tous les ressorts du comique, avec une prédilection pour le quiproquo ou la caricature, de l’agent de sécurité qui a peur de l’orage à la tante socialiste ; c’est l’une des forces du film que de mélanger les genres et les registres, sans crainte du bon goût.
Copyright Splendor Films
Le génie d’Altman est de ne jamais perdre ses spectateurs malgré le nombre de personnages qui ont tous une existence ; sans doute le scénario co-écrit avec John Considine y est-il pour beaucoup. Mais le cinéaste excelle surtout à user de zooms, travellings et panoramiques pour organiser un véritable ballet, qui n’exclut ni les détails infimes (voir le parcours de la grenouille) ni les plans généraux. Néanmoins c’est surtout dans le passage d’un personnage à l’autre, en une sorte de permanent montage alterné, que s’affirme cette maîtrise souveraine.
Copyright Splendor Films
Le film fait feu de tout bois : la politique, les classes sociales et leurs conventions, le racisme, tout y passe ; dans sa volonté d’embrasser tant de thèmes et de personnages, Altman enregistre également une sorte de condensé de l’histoire du cinéma, en faisant se côtoyer la doyenne Lillian Gish, le déjà mûr Vittorio Gassman et la toute jeune Mia Farrow, comme un témoignage précieux qui traverse les époques.
Copyright Splendor Films
On rit beaucoup en regardant Un Mariage : des répliques drôlatiques (« Vous aimez les femmes mûres ? ») ou joyeusement sarcastiques (« quand t’ôte-t-on ton appareil ? ») au comique de situation, de l’humour subtil à la grosse farce, Altman joue avec toutes les possibilités. Il n’hésite pas non plus à s’attaquer en sourdine à la religion, de l’évêque au cantique chanté en boucle ; sa force iconoclaste ne laisse rien debout. Mais au fond il reste un moraliste ; en s’attaquant à l’hypocrisie des institutions, il montre un monde gouverné par les pulsions et royalement égocentrique. À y regarder de près, on trouvera peu de compassion ou d’altruisme chez ces êtres qui, entre drogue et sexe, sont l’expression d’une civilisation dont les fondements se délitent ; les conventions ne tiennent pas, les règlements de compte se succèdent et la mélancolie ultime n’y fait rien : le sentiment dominant est un écœurement devant tant de tares et de médiocrité. Malgré l’humour (ou grâce à lui), c’est bien une critique sévère, impitoyable, qui élève l’anecdote au rang de fable cruelle, représentante d’une société décadente. En ce sens, Un Mariage n’est pas seulement un exercice brillant, c’est une vision acerbe, foncièrement pessimiste et très personnelle.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.