Brillant et jouissif drame familial
Le 2 juillet 2022
Si les scénaristes ont versé dans un mixer tous les pitchs Marvel, DC & co pour bien les broyer, le cocktail final, en forme de drame familial, a des saveurs sucrées et acides, plus inventives que bien des blockbusters. Avec cette deuxième saison, Umbrella Academy s’installe dans les hits du catalogue Netflix. Une totale réussite.
- Réalisateurs : Sylvain White - Andrew Bernstein - Ellen Kuras - Stephen Surjik - Amanda Marsalis
- Acteurs : Ellen Page, Colm Feore, Kate Walsh , Robert Sheehan, Tom Hopper, David Castañeda, Emmy Raver-Lampman, Aidan Gallagher, Justin H. Min
- Durée : 2 x 10 épisodes de 40 à 61 minutes
- VOD : NETFLIX
- Reprise: 31 juillet 2020
- Scénaristes : Steve Blackman, Jeremy Slater, Lauren Schmidt Hissrich, Bob DeLaurentis
- Genre : Action , Drame, Fantastique, Super héros, Absurde
- Titre original : Umbrella Academy
- Date de sortie : 15 février 2019
- Plus d'informations : Umbrella Academy
Résumé : À la mort de leur père, des frères et sœurs aux pouvoirs extraordinaires découvrent des secrets de famille traumatisants et une menace terrible qui plane sur l’humanité.
Avertissement préliminaire usuel : si vous n’avez pas vu la première saison, il est indispensable de la voir avant. Et si vous l’avez vue à sa sortie, en février 2019, une révision s’impose.
Critique. Nous n’allons pas tourner autour du pot : Umbrella Academy est une pépite d’écriture et de production, qui entre dans le haut de gamme des séries vitrine de Netflix.
Avec au commande le showrunner Steve Blackman, la plateforme nous propose une délirante pseudo méta-série de super-héros. Pour l’aspect méta, il résulte d’un cocktail où auraient été versés dans un mixeur tous les pitchs répertoriés du genre. Quant à pseudo, et c’est la trouvaille, c’est que justement il ne s’agit pas d’une histoire de super-héros. Umbrella Academy est adaptée des comics éponymes écrits par Gerard Way et dessinés par Gabriel Bá, publiés par Dark Horse en 2008 (Delcourt en France). Ses auteurs avaient refusé une version cinéma avec Universal. Mais Netflix, devant faire face à la perte des droits Marvel (Disney+ oblige) ou riposter à Watchmen sur HBO, a su les convaincre en 2017, en mettant sur la table un budget plus que certain pour un projet ambitieux.
De quoi s’agit-il ? En 1989, quarante-trois enfants naissent alors qu’avant l’accouchement les mères n’étaient pas enceintes. Un milliardaire excentrique, Reginald Hargreeves, en adopte sept (cinq garçons et deux filles), car ils seraient dotés de super-pouvoirs. Ils les élèvent à la dure, et les entraînent pour former un groupe de justiciers : The Umbrella Academy. Après avoir tué et arrêté des tas de méchants, les années passant, cette fratrie reconstituée s’est délitée, chacun allant à son propre son destin. 2019. Reginald meurt et les frères et sœurs se retrouvent pour ses obsèques. L’un d’entre eux leur annonce alors qu’ils n’ont que quelques jours pour sauver l’humanité. Rien que ça ?!
(NDLR pour le rédacteur)
- Copyright Christos Kalohoridis/Netflix
Pour comprendre la nature de cette « famille », la première saison s’offre le luxe d’une exposition sur quatre épisodes. Cette entrée en matière jalonne l’ADN de la série, son vrai thème central et sa forme. Le début, en récit choral, installe une vaste galerie de personnages, à commencer par ces sept enfants, devenus adultes avec des névroses, parfois sévères. Par exemple, celui qui est doté d’un pouvoir très flippant, s’avère un junky défoncé matin, midi et soir ; sans parler de son look qui a dû être un régal à créer pour les stylistes, maquilleurs et coiffeurs. Justement, côté production, si le premier épisode envoie du lourd avec les décors impressionnants du manoir familial, une bande-son gorgée de tubes (sublime séquence sur I Think We’re Alone Now de Tiffany) et un plan d’apocalypse (nous ne spoilons rien, c’est le pitch précité, mais c’est plus tordu), il en reste beaucoup sous la pédale pour la suite.
Les scénaristes ayant pris soin de poser toutes les cartes pendant cette longue exposition, à partir d’un cinquième épisode déroutant, ils se transforment en vilains joueurs de bonneteau. Si les wagons de l’arc narratif principal et de nombreux enjeux et sous intrigues, ont été astucieusement accrochés à coups de flash-back, ellipses, montages parallèles et twists, le train s’engage sur de nouvelles montagnes russes plus agitées. Petite précision (c’est le premier épisode), un des frères a le don de voyager dans l’espace et le temps. Le récit s’emballe, devient scotchant, d’autant plus qu’il est porté par un casting de haut vol, qui mérite d’être détaillé.
(NDLR pour le rédacteur)
- Copyright Netflix
En tête d’affiche, Ellen Page dans le rôle de Vanya, la « petite sœur » sans pouvoir, à l’enfance martyrisée, salement dépressive et rejetée par la fratrie. Mais les autres ne sont pas mieux. Tom Hopper campe Luther, le fils préféré mais soumis, même dans les pires comportements de ce mystérieux paternel ; Robert Michael Sheehan est un halluciné Klaus, junky en proie aux pires démons ; David Castañeda, un triste Diego scotché dans son passé de vengeur masqué, alors que tout le monde a raccroché ; Emmy Raver-Lampman, en Allison, afro-américaine, qui a pris le large pour une carrière à Hollywood ; Justin H. Min, Ben, le frère asiatique au pouvoir très gore, mais hélas décédé (comment ? Mystère) ; et enfin, le personnage le plus surprenant, le plus malin, le plus pénible, le plus endurci, le plus autoritaire et aussi le plus « vieux » : Numéro Cinq, interprété par l’époustouflant Aidan Gallagher, du haut de ses quatorze ans (à l’époque du tournage début 2018). Pourquoi le plus vieux ? Explication dans le premier épisode.
À l’issue de cette première saison, nous sortons épuisés par ce qui s’avère être plus un triste drame familial et bien moins une histoire de super-héros. Et c’est là toute la profondeur et richesse de cette série, au-delà de ses nombreux twists, morceaux de bravoure sur du Woodkid, Queen ou Nina Simone, et son final digne d’un blockbuster. Un cliffhanger qui a dû rendre très pénibles pour les fans, les dix-huit mois avant d’enfin déguster (plutôt binge-watcher) cette nouvelle saison. Une période qui a permis à beaucoup de théoriser sur sa suite, ou de décortiquer des plans sur des détails qui nous auraient échappés. Inutile de vous dire que presque tout le monde s’est planté. Preuve que les scénaristes sont de sacrés filous.
(NDLR pour le rédacteur)
- Copyright Netflix
Justement, pour la deuxième saison, notre fratrie, se « retrouve » à Dallas de 1960 à 1963. Et à nouveau, ils vont devoir empêcher le pire. Nous devons, hélas, spoiler un élément clé de la première saison et de sa suite : la Commission. Cette mystérieuse organisation supervise le continuum espace-temps et veille à que tout se déroule bien. Par exemple, qu’un archiduc soit bien buté à Sarajevo et qu’une guerre mondiale s’en suive. Si elle met des bâtons dans les roues de nos frères et sœurs, certains d’entre eux savent dealer avec elle, ces gens étant des virtuoses pour mettre un bazar monstre. On n’en dira pas plus.
Si le premier épisode a un léger goût de déjà-vu, cette fois, les scénaristes ne s’attardent pas pour vite nous retourner la tête. Et si c’est reparti pour un méga-tour de Lunapark, la narration réussit l’exploit d’aborder bien d’autres thèmes. Alors que dans la première saison, c’était le collectif de la fratrie qui était disséqué, cette fois les scénaristes s’attardent sur chacun. Les circonstances de leur arrivée à Dallas ne leur laissent pas d’autre alternative que de prendre du temps, voire de se refaire une nouvelle vie et d’évoluer. Sauf que nous sommes dans le Texas profond du début des 60’s. Les auteurs tricotent ainsi diverses vraies sous-intrigues sociétales, comme sur la lutte pour les droits civiques, via Allison qui découvre la ségrégation ou les femmes soumises au foyer à travers la vie de Vanya ; mais aussi sur le mouvement hippie, l’homophobie, la conquête spatiale, la mafia, la guerre froide, le Vietnam et bien sûr l’assassinat de Kennedy. Une véritable plongée historique portée par une production encore plus impressionnante, avec un stylisme plus vrai que d’époque, de nombreux décors intérieurs, extérieurs, pléthore d’accessoires et voitures. Et une bande-son dont on n’ose pas imaginer le budget en droits. Tous les codes d’écriture et de mise en scènes installés dans la première saison sont repris et étoffés. On citera, en vrac, l’apparition du parapluie générique à chaque épisode, l’usage régulier du plan-séquence, et ceci dès l’ouverture « explosive », de séquences musicales, d’animations, et de chorégraphies sophistiquées pour les combats. Quant à l’écriture, outre un festival ultra-maîtrisé de rebondissements, les dialoguistes s’amusent entre name-dropping, répliques de films et paroles de chansons, pour proposer un jeu au spectateur. Enfin, petite mention pour un moment d’humour pipi-caca à mourir de rire ! Bref, cette saison cavale autant, voire plus, que la première, tout en continuant de décortiquer les tensions profondes de ce drame familial, et s’achève sur un cliffhanger encore plus furieux.
(NDLR pour le rédacteur)
- Copyright Netflix
Si vous plongez dans cette série indiscutablement originale et inventive (comme fut le roman graphique Watchmen en 1986, auquel on pense forcément), il n’est pas exclu que des questions et détails vous travaillent vite. Allez, on vous donne un os à ronger : dans la première saison qui se déroule bien en 2019 (cf. le name-dropping), pas l’ombre d’un smartphone, Allison fait des recherches à la bibliothèque sur un truc à microfilms et pas Google, le téléphone fixe est toujours roi. Pourquoi ? Nous n’en avons pas la moindre idée. En revanche, ce que nous savons, c’est que, selon radio couloir, la troisième saison est prévue ; et côté comics, le quatrième volume, en cours d’écriture, aura pour titre un nom dévoilé dans le tout dernier épisode ! Rendez-vous donc (au mieux) fin 2021. En attendant, on pourra toujours lire les diverses théories sur la suite…
(NDLR pour le rédacteur)
- Copyright Netflix
Note pour la Rédaction : oui, les masques sont vendus sur Amazon. Pour le reste ça se passe sur Netflix.
- Copyright Netflix
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Lucien75 23 août 2020
Umbrella Academy saisons 1 & 2 - La critique de la série
J’ai vraiment aimé, même si parfois il faut s’accrocher.... le traitement du paradoxe temporel est particulièrement intéressant dans cette série. A voir