Le 13 octobre 2018
Un premier long-métrage mettant en lumière un jeune réalisateur plus que prometteur, qui, derrière l’apanage friable du film noir, est avant tout dédié à ses personnages.
- Réalisateur : Jérémie Guez
- Acteurs : Veerle Baetens, Lola Le Lann, Roland Møller
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Français
- Distributeur : Océan Films
- Durée : 1h25mn
- Titre original : A bluebird in my heart
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Festival : ASNIFF 2018
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Résumé : Un ancien taulard aspirant à une vie tranquille en est brutalement extrait quand la fille de la femme qui l’héberge est victime d’une agression.
Notre avis : Auteur précoce de polars court et efficaces (Paris, la nuit, Balancé dans les cordes, Du vide plein les yeux, Le dernier tigre rouge), Jérémie Guez, trente printemps cette année, se sera expéditivement désintéressé de son activité première, puisque, après seulement quatre romans rédigés avec vélocité (tous parurent entre 2011 et 2014), Guez change de braquet et s’attelle à sa nouvelle tâche à un rythme là encore considérable (une dizaine de films signés depuis Yves Saint Laurent, en 2014), écrivant un arsenal de scripts qui, d’un point de vue thématique, témoignent de la même passion pour le genre : de Un homme idéal à Carnivores, en passant par Iris ou Lukas, le scénariste néophyte montre une appétence friande à la chose, et ne tarde pas à nouer quelques relations qui vont lui permettre de réaliser son premier long-métrage. De ce dernier, conçu en 2017, nous n’avions à son sujet que peu de détails, sinon une affiche et des échos enthousiastes de ceux qui avaient pu jeter un œil aux images relayées lors de quelques conventions. Nous l’attendions avec impatience, cette première œuvre, qui se devait d’affirmer sur un écran les ambitions, la vision, le langage du cinéaste que se voulait d’être Jérémie Guez.
- (c) Océan Films
Le synopsis, adapté d’un livre signé Dannie M. Martin, L’homme de plonge, semble classique : un prisonnier en liberté conditionnelle qui désire tirer un trait sur son passé se retrouve confronté à ses vieux démons lorsque la fille de sa logeuse est victime d’une agression. À la lecture de ces mots introductifs, une trame routinière se forme immédiatement devant nos yeux, constituée de la vengeance d’un homme devenu meilleur par découverte de l’amour, mais qui ne renie nullement les instincts, les pulsions qui l’habitent, et finit par dénicher une quelconque arme blanche, qu’il va promptement encastrer dans les mâchoires d’infâmes gangsters peuplant des boîtes de nuit. Il y a de cela, dans Tu ne tueras point (intitulé « Un oiseau bleu dans mon cœur » pour son titre original, tiré d’un poème de Charles Bukowski), mais l’intrigue polardeuse intéresse finalement bien peu son réalisateur – les « gangsters » sont quasiment abstraits, peu cadrés, définis par une ou deux lignes de dialogue, camouflés sous une cagoule ; ils apparaissent subitement, s’effacent aussi sec –, qui lui préfère la submersion auprès d’un homme blessé, sa renaissance progressive, ainsi que celle de sa violence, dont il est, tout comme nous, témoin.
Les desseins du cinéaste, avec ce premier film, sont moins d’établir une atmosphère teintée de tension que de disséminer lentement, en suivant scrupuleusement le quotidien de ses personnages, un parfum de langueur, de mélancolie gracieuse, résultant d’un quotidien grisâtre qui connaît ses instants de lumière lorsque des connexions se forment avec autrui. Aussi l’œuvre ne connaît que peu de moments impactant, et se veut davantage comme le récit d’une libération, voire d’une purification – le jeune réalisateur ne lésine d’ailleurs pas sur les symboles pour exprimer l’échappée de son protagoniste progressivement libre vers la lumière.
- (c) Océan Films
En sus de se révéler adroit hagiographe d’un rescapé, Jérémie Guez sait s’entourer de talents pour l’incarnation de ses personnages, chacun d’entre eux se révélant fort bien écrits et dirigés : excellemment mis en valeur par la caméra de son auteur, Roland Møller, acteur danois vu dans R, Les oubliés, et plus récemment dans une pléiade de grosses productions américaines comme Skyscraper ou Atomic Blonde, incarne parfaitement ce taiseux aux épaules larges et à la barbe fournie, aux yeux éteints mais à la forte volonté de repentir, de dévotion, dont l’humanité touchante va poindre avec bienveillance sur ses traits. Il est accompagné de Lola Le Lann, qui, entre espièglerie et fragilité, fait une fois de plus preuve d’un talent évident, ainsi que de Veerle Baetens, dans un très beau rôle de mère éreintée.
Découvert en avant-première française lors du festival de l’ASNIFF, le film, qui devait débarquer fin novembre dans les salles, a été finalement repoussé à une date ultérieure indécise. Il demeure dans tous les cas une marque gracieuse de la naissance d’un auteur qu’il nous faudra désormais suivre avec intérêt.
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