Le 30 mai 2021
Beau et fort, Sons of Philadelphia est plus qu’un polar sombre sur les rivalités entre mafias irlandaises et italiennes. C’est une formidable démonstration de la difficulté à se défaire de ses déterminismes culturels et affectifs.
- Réalisateur : Jérémie Guez
- Acteurs : Ryan Phillippe, Paul Schneider , Joel Kinnaman, Matthias Schoenaerts, Maika Monroe
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Américain
- Distributeur : The Jokers, Les Bookmakers
- Durée : 1h30mn
- Date télé : 4 janvier 2022 21:10
- Chaîne : Canal+
- Titre original : The Sound of Philadelphia
- Date de sortie : 26 mai 2021
Résumé : Philadelphie. Il y a trente ans, la famille de Michael a recueilli Peter à la mort de son père, dans des circonstances opaques. Aujourd’hui, Peter et Michael sont deux petits malfrats aux tempéraments opposés. L’un est aussi violent et exubérant que l’autre est taciturne. Quand Michael est désigné comme « gênant » par la mafia italienne », le passé trouble de la famille ressurgit…
Critique : "On ne choisit pas sa famille", comme chante l’autre. On ne choisit surtout pas de perdre sa sœur très jeune dans un lamentable accident de voiture, de naître dans une famille de mafieux irlandais, qui se partage avec un groupe mafieux italien le marché de la corruption à Philadelphie, et de grandir dans la menace permanente de la mort. Peter, présenté comme un être tempéré, calme et intelligent, contraste avec son cousin, Michael, qui est tempétueux et impulsif. En fait, Sons of Philadelphia ne constitue pas un énième opus sur les ravages de la mafia aux Etats-Unis. C’est avant tout le récit fort et sensible de deux cousins que tout oppose, dans un climat qui s’apparente à une guerre terrifiante. La méfiance, la peur, la manipulation hantent cet univers urbain et familial où, finalement, le plus difficile n’est pas de prendre le pouvoir sur toute une ville, mais de survivre à son destin.
- Copyright Nelson Gedalof
Joel Kinnaman et Matthias Schoenaerts règnent en maîtres dans cet univers sombre et anxiogène. Le réalisateur insère des retours sur le passé de Peter qui, peu à peu, aident à comprendre l’emprise qu’une famille peut imposer à des personnes, dès le début de leur existence. La force du personnage demeure sa capacité à prendre du recul, à réfléchir, là où celle de son cousin réside dans l’usage qu’il fait des armes et l’imprévisibilité de ses comportements. Les deux hommes sont liés l’un à l’autre dans un rapport contrarié, dont ils tentent en vain de s’émanciper en permanence. Naturellement, on peut imaginer que les mafieux italiens avancent des pions sur la table de la corruption et du trafic, capitalisant sur la vulnérabilité relationnelle des deux hommes.
- Copyright Nelson Gedalof
La mise en scène choisit des décors sombres, des espaces clos où les protagonistes semblent enfermés. La dépendance aux lieux d’épanouissement des personnages s’exprime dans la noirceur des espaces, le recours à la nuit et l’absence de plans larges mettant en perspective la ville de Philadelphie. Sons of Philadelphia décrit avec minutie ce qui pourrait être vu comme une addiction, que certains personnes entretiennent avec l’endroit où elles ont grandi. Le long métrage raconte avec force l’impossibilité de s’extraire de son quartier, de ses racines, et des déterminismes dans lesquels on s’enferme malgré soi. L’argent, la drogue, l’admiration pour un caïd sont autant de pièges qui empêchent nombre de jeunes gens d’échapper à leurs origines. On se demande finalement Jérémie Guez ne propose pas un film qui a un lien direct avec l’actualité des banlieues où l’on assiste, impuissants, à des batailles entre groupes d’adolescents dont l’affiliation à une portion de quartier, à une tour HLM, suffit à justifier la violence.
Sans conteste, le metteur en scène s’affirme à travers son film comme un immense réalisateur. Il parvient à faire émerger dans les silences, dans l’obscurité des regards, le récit universel de tous ceux qui ne parviennent jamais à se sauver de leur déterminisme familial. En ce sens, Sons of Philadelphia est une opportunité formidable offerte à la réflexion, mais aussi une invitation à passer un excellent moment de polar.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
ceciloule 31 mai 2021
Sons of Philadelphia - Jérémie Guez - critique
En plus de cette attention portée au déterminisme et à la mise en scène, j’ai aussi apprécié la volonté du réalisateur de filmer la mafia sans faire saigner ses héros à chaque plan, sans multiplier les fusillades. Il est bien davantage dans le sous-entendu et c’est aussi, à mon sens, ce qui confère sa beauté et sa singularité à ce long-métrage (j’en parle plus longuement ici : https://pamolico.wordpress.com/2021/05/30/sons-of-philadelphia-jeremie-guez/)