Le 19 février 2025
Si la situation de départ du trio de Trahisons paraît on ne peut plus classique, elle nous offre pourtant au fur et à mesure de la pièce un regard captivant sur l’importance et les contours de la vérité dans nos relations intimes.


- Acteurs : Swann Arlaud, Marie Kauffmann, Marc Arnaud
- Durée : 1h30mn
- Auteur : Harold Pinter
- Metteur en scène : Tatiana Vialle
- Genre : Théâtre (spectacles)
- Salle de Théâtre : Théâtre de l’Œuvre
- Plus d'informations : Le site du Théâtre de l’Œuvre

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Résumé : Emma est galeriste à Londres. Elle a entretenu pendant sept ans une relation avec Jerry, agent littéraire, qui est aussi le meilleur ami de son mari Robert, éditeur. La pièce s’ouvre sur un aveu, non pas un aveu au mari de l’infidélité passée, mais un aveu à Jerry : Emma lui apprend qu’elle vient de tout dire à son mari. Dans une chronologie à rebours, Harold Pinter retrace les sept années de cette triangulation amoureuse : des séparations aux rencontres, des aveux aux mensonges. En renversant le cycle du temps de cette intrigue, Harold Pinter en souligne les troubles et les contradictions et nous livre une analyse complexe des sentiments et non-dits amoureux.
Critique : Lorsqu’Emma (Marie Kauffmann) avoue à Jerry (Swann Arlaud) qu’elle a enfin révélé leur liaison passée à son mari Robert (Marc Arnaud), en guise de première scène, tout est déjà dit. Ou pas ? La pièce de Harold Pinter, prix Nobel de littérature 2005, s’attèle ainsi à raconter cette histoire triangulaire à rebours. Raconter, ou bien ne pas raconter. Telle est la question. Ne vous y méprenez pas : le texte de Pinter est brillant et exploite en profondeur les conséquences des non-dits dans le couple et l’amitié.
Si l’auteur avouait que le rôle du spectateur au théâtre était de rechercher la vérité dans ses moindres détails, l’expérience de Trahisons ne pourrait pas mieux l’illustrer. La mise en scène de Tatiana Vialle suit d’ailleurs intelligemment l’esprit de la pièce en présentant un décor épuré, des simples néons de lumière qui seront déplacés entre chaque scène, une table et quelques chaises. Cela suffit à situer le spectateur dans le temps et dans l’espace, mais également et surtout à le perdre. Impossible de savoir qui dit vrai et quand, ce qu’il sait ou non, pourquoi, comment. C’est tout l’intérêt des banalités discutées à chaque scène entre les personnages, qui révèlent sans révéler, qui disent sans rien dire. On pourrait ainsi sembler dérouté dans cette histoire en apparence simple, mais la parfaite structure de la pièce est ce qui permet d’attiser le doute là où on ne s’y attend pas.
- Copyright Caroline Bottaro
Trahisons entre mari et femme, entre deux meilleurs amis, entre deux amants... Et l’effet du temps. Oui, car l’ordre déchronologique rend compte également des souvenirs qui restent partiellement, de la mémoire qui s’étiole, et des sentiments qui demeurent ou non. On notera également qu’au-delà des prestations des trois comédiens, qui incarnent trois portraits psychologiques bien distincts avec justesse, un choix de mise en scène est sans doute le plus intrigant et bien pensé dans cette nouvelle représentation de la pièce de Pinter : inclure la présence et le regard du troisième personnage dans une scène où seuls les deux autres se trouvent normalement. Comme s’il y avait toujours eu le troisième être dans les relations à deux, quelles qu’elles soient. Les deux personnages se parlent mais pensent au troisième, le troisième imagine comment les deux autres auraient pu se révéler certains secrets. On ne sait.
Une mise en scène qui questionne, donc, tout comme le texte, les attentes secrètes que l’on a de l’autre, et ce que l’on aimerait ne jamais savoir. Si la situation de départ du trio de Trahisons est on ne peut plus classique, elle nous offre pourtant au fur et à mesure de la pièce un regard captivant sur l’importance et les contours de la vérité dans nos relations intimes.
Théâtre de l’Œuvre - 55 rue de Clichy, 75009 Paris.
Jusqu’au 30 mars 2025 - du mercredi au samedi à 21h / dimanche à 18h