Le 16 septembre 2024
Toxicily n’est pas un simple documentaire en révolte contre la pollution. C’est un regard habité de recherche esthétique sur le monde, les gens et les paysages, tous défigurés par des décennies de capitalisme dérégulé.
- Réalisateur : François-Xavier Destors
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : JHR Films
- Durée : 1h18mn
- Titre original : Toxic Sicily
- Date de sortie : 18 septembre 2024
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Résumé : En Sicile, au Nord de Syracuse, l’un des plus grands complexes pétrochimiques d’Europe empoisonne depuis soixante-dix ans l’environnement et les hommes. « Mieux vaut mourir d’un cancer que mourir de faim », entend-on sur la plage qui borde la raffinerie. Dans un contexte d’omerta et de résignation, le film donne la parole à ceux qui luttent et survivent au cœur d’un territoire sacrifié sur l’autel du progrès et de la mondialisation.
Critique : C’est une ville côtière comme les autres, enfin presque comme les autres, car au lieu de restaurants, de pavés lumineux, ce sont de grandes tours industrielles qui bordent la mer. La ville s’appelle Augusta, en écho aux mois d’été où le tourisme se multiplie. Ici, les gens ne viennent pas pour profiter du soleil ou de la plage, ils s’échouent pour travailler et, plus gravement, pour disparaître des suites d’un cancer.
Le sujet est connu au cinéma, bien qu’hélas, le désastre écologique se perpétue à travers le monde, hanté par un capitalisme effréné qui n’a aucun scrupule à détruire des vies et des écosystèmes pour le seul intérêt des actionnaires. Toxicily va au-delà de la simple dénonciation. Le documentaire donne la parole à celles et ceux, tout âge confondu, qui vivent depuis plusieurs décennies aux abords de ce complexe industriel, et voient tour à tour leurs proches succomber au cancer, aux déformations des nourrissons ou à la stérilité. Les patrons de la raffinerie ne donnent pas leurs arguments en réponse aux cris de détresse de ces personnes, comme si le réalisateur tenait à restituer la vérité dans une parole collective, mais impuissante face aux mafias et au pouvoir politique.
- Copyright JHR Films
François-Xavier Destors appuie son propos d’un soin très important apporté à la photographie. Les vues sur la raffinerie, les déambulations en train ou à l’intérieur des sites désertés témoignent d’une recherche certaine d’une image qui fuit toute tentation démagogique ou populiste. Le goût du cinéma prime sur les cris de révolte. Ce point de vue, plutôt intelligent, détourne le spectateur de la facilité, qu’il penche du côté des industriels ou des habitants qui s’expriment. Car Toxicily est un vrai long-métrage conçu pour les grands écrans. Même les vues nocturnes des tours qui crachent leur poison impressionnent de beauté, là où l’intérieur des églises ou des maisons peine à rivaliser avec les façades des bâtiments industriels.
François-Xavier Destors s’attache à dépeindre des personnages très attachants avec, en bruit de fond, une musique sourde, symphonique qui accompagne leur déchéance sanitaire et sociale. On pense notamment à un prêtre ouvrier qui rend régulièrement des prêches en faveur des familles et des individus que le cancer a emportés. On perçoit beaucoup de résignation dans ces regards qui se contentent de quelques baignades dans la mer avec, devant les yeux, les monstres de béton qui crachent leurs fumées nauséabondes.
- Copyright JHR Films
Souhaitons qu’un tel film puisse se faire remarquer sur les écrans français qui, à leur manière, reproduisent ce que dénonce François-Xavier Destors, à savoir la prégnance de la rentabilité. Heureusement, notre paysage cinématographique bénéficie encore de quelques aides publiques qui maintiennent en vie des films d’auteur ou des cinémas de campagne.
Toxicily demeure un film nécessaire, puissant, à l’heure où l’actualité pourrait nous faire oublier que le mouvement certain de destruction du monde est irrémédiablement engagé. Pourvu que la parole de ces adultes ou même de ces adolescents qui ont accepté de se livrer à la caméra ne soit pas inutile et que le film rayonne longtemps dans la conscience des spectateurs.
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