Le 16 avril 2016
Un documentaire intéressant, mais qui manque singulièrement d’ambition cinématographique.
- Réalisateur : Gilles Vernet
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Durée : 1h23mn
- Date de sortie : 20 avril 2016
L'a vu
Veut le voir
Un documentaire intéressant, mais qui manque singulièrement d’ambition cinématographique.
L’argument : Gilles est un ancien trader devenu instituteur dans le 19ème arrondissement de Paris. Il s’interroge avec ses élèves de CM2 sur l’accélération vertigineuse de notre monde. Fasciné par leurs réflexions sur notre mode de vie et notre rapport au temps, il décide de les filmer puis d’aller à la rencontre d’experts du sujet. Pourquoi nos sociétés recherchent-elles toujours plus de croissance ? A quel impératif obéit cette accélération alors même que ces enfants de 10 ans mettent en évidence ses limites ?
Notre avis : Un trader qui devient instituteur et réfléchit (et fait réfléchir ses élèves) sur l’accélération du monde post-moderne, des enfants matures et souvent fins, quelques inévitables « spécialistes », voilà les ingrédients de ce documentaire ; forcément, sur un sujet aussi vaste, la réflexion s’éparpille entre philosophie, économie, sociologie, et brasse de multiples branches de l’interrogation initiale. Pour autant, le film évite le simplisme et la caricature, même s’il est vrai que le cinéma se prête mal à la profondeur d’un discours.
Copyright Kamea Meah Films
Évacuons ce qui nous gêne, et ce n’est pas mince : entre les nombreux plans accélérés, les surimpressions, les images de nature et quelques passages musicaux mièvres, l’agacement pointe à diverses reprises. Pourquoi tant de documentaires font-ils à ce point confiance à leur discours qu’ils en oublient de faire du cinéma ? Car enfin, à voir se succéder des intervenants face caméra, on se dit qu’ on est bien dans une esthétique télévisuelle, sans recherche ni ambition, qui arase les idées. Encore la télé a-t-elle parfois des velléités artistiques. Ici, on est vraiment proche du degré zéro de la mise en scène et écouter suffit largement.
Copyright Kamea Meah Films
Et si l’on écoute, on entendra des interventions justes, en rien révolutionnaires, mais qui permettent de prendre le temps et de se questionner à son tour : sur le rôle de l’angoisse, sur le rapport à la mort aujourd’hui camouflée, sur la compétition ou l’addiction, nombre de ces paroles sont stimulantes et, si elles sont parfois trop rapides (on aurait aimé que le thème de la culpabilité par exemple soit plus développé), il nous semble que chacun y puisera à son gré de quoi alimenter une rêverie féconde. Même le côté puzzle a son charme : une comparaison en passant avec la longueur des plans au cinéma, les attentes que l’homme post-moderne s’inflige (poids, santé, couple, éducation de ses enfants), si elles ne constituent qu’un aspect mineur du film, pourraient trouver des prolongements personnels.
Copyright Kamea Meah Films
Et puis il y a les enfants. On sait à quel point il est difficile de les faire tourner, ou au contraire à quel point il est facile de tomber dans le sentimentalisme et la mièvrerie. Rien de tout cela ici : prodigieux de naturel, vifs intellectuellement, stupéfiants ou drôles (la scène de la tortue est très réussie), ils donnent au film une dimension humaine, de la chair en somme, et sont le pendant optimiste d’idées globalement catastrophistes. Que le professeur-cinéaste, qui ne craint pas de se mettre en scène, ait su capter un peu de cette flamme est réjouissant. Reste que sa pratique pédagogique, active et sensible, pose aussi des questions sur une forme sournoise de manipulation : les enfants réfléchissent, nul doute, mais dans quelle mesure sont-ils autonomes, c’est à dire libres de penser contre le maître ? On a parfois le sentiment que leur bel unanimisme tient à ce qu’ils disent ce que le professeur a envie d’entendre. Peut-être y a-t-il là un effet du montage, dont on imagine qu’il a taillé dans un matériel très riche…
On aurait aimé qu’un point de vue cinématographique éclaire ce documentaire : trop plate, trop redondante, la mise en scène dessert une réflexion éclatée, riche et constamment stimulante, d’autant que les intervenants évitent le jargon et parlent simplement. C’est dommage, consternant par moments, mais il se dégage de l’ensemble une fraîcheur et une soif de savoir très communicative.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.