Le 15 juin 2017
Réservé aux amateurs-archéologues de la chanson et aux curieux des années 30, ce divertissement anodin conserve un charme qui frise la nostalgie, à condition de passer sur des conventions difficilement supportables.
- Réalisateur : René Guissart
- Acteurs : Pauline Carton, Saturnin Fabre, Jacques Pills, Georges Tabet, Junie Astor
- Genre : Comédie, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution
- Durée : 1h23mn
- Date de sortie : 4 décembre 1936
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Résumé : Un jeune fêtard échange son identité avec un autre pour éviter de travailler dans la plantation de sa tante aux Antilles provoquant ainsi quelques quiproquos...
Notre avis : En 1936 sortent en France Le crime de monsieur Lange, Le roman d’un tricheur ou La belle équipe, que l’histoire du cinéma a retenus et glorifiés, mis parfois en parallèle avec le Front Populaire. Mais les spectateurs de l’époque ont vu, et souvent de manière plus massive, Marinella, ou ce curieux Toi c’est moi, adapté d’une opérette, c’est à dire des œuvres anodines reposant sur le succès de chanteurs en vogue, des chanteurs jeunes et populaires, même si en l’occurrence, Pills et Tabet sont aujourd’hui bien oubliés. Ce duo séparé en 1939 a pourtant comme titre de gloire d’avoir entonné le fameux Couchés dans le foin, et pour l’un, d’avoir épousé Édith Piaf. Inutile de dire que les jeunes générations ignorent tout de ces duettistes d’une ère considérée comme préhistorique.
Leurs chansons et leur complémentarité avaient pourtant beaucoup de charme, même si l’un et l’autre paraissent désuets dans leur jeu comme dans leurs vocalises. Le film s’adresse donc à des amateurs de vieilleries, ou aux curieux désireux de savoir ce qui fascinait leurs ancêtres. À ce titre, Toi c’est moi est un document inappréciable sur les années 30 et l’ardeur revigorante qui les accompagne. Évoquant lointainement Marivaux , avec ces changements d’identité, cette reconnaissance des amants malgré les masques et ce badinage permanent, le scénario est squelettique et particulièrement anodin : aucune tension, aucun enjeu véritable ; on est typiquement dans le cinéma du samedi soir qui vise l’amusement gentil plutôt que l’audace. On venait entendre chanter, au milieu d’une intrigue largement prévisible, les airs à vocation populaire, pas pour chercher une expérience novatrice (pour ça, il y avait Renoir ou Guitry). Les spectateurs de l’époque n’étaient d’ailleurs pas gênés comme nous par un racisme patelin, courant dans les années 30, qui donne des rôles caricaturaux aux Noirs, dans l’expression comme dans les actes.
Reste que, si le film est inégal, avec ses pleurnicheries insupportables, il séduira pour deux raisons les amateurs : d’abord, les airs de Pills et Tabet ; les entendre entonner « Toi c’est moi » est un pur régal mais répétons-le, seulement pour les archéologues de la chanson française. Mais surtout, le plaisir vient des seconds rôles : l’ineffable Pauline Carton cabotine de sa voix aigrelette, Saturnin Fabre impose sa stature impériale. Quant à leur interprétation de Sous les palétuviers, elle défie les limites du bon goût et de la justesse, mais s’avère particulièrement jouissive. C’est pour ces éclairs là, et la bonhomie de l’ensemble, qu’on peut encore regarder Toi c’est moi. Mais on ne peut s’empêcher de penser, en voyant ce badinage à l’humour hors d’âge, que cette insouciance va quelques années plus tard se fracasser sur la tragédie de la Seconde guerre mondiale, et le film apparaît alors comme le signe d’une époque, le reflet optimiste et peut-être inconséquent d’une mentalité à jamais engloutie.
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