Le 22 mai 2017
Une relecture de western classique très maîtrisée, qui devient réflexion sur la destinée humaine et son ancrage dans le temps.
- Réalisateur : Arturo Ripstein
- Acteurs : Marga López, Jorge Martinez de Hoyos, Blanca Sanchez
- Genre : Noir et blanc
- Nationalité : Mexicain
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 1h30mn
- Reprise: 4 janvier 2017
- Date de sortie : 11 août 1966
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– Sortie DVD et Blu-ray : le 25 mai 2017
Résumé : Juan Sayago revient dans son village après 18 années passées en prison, après avoir été accusé d’avoir tué Raul Trueba, un vendeur de chevaux. Juan veut reprendre une vie tranquille mais il sait que Julian et Pedro, les fils de Raul, ont juré de venger leur père. Il va revoir Mariana, une veuve dont il a été le fiancé. Tout le monde conseille à Juan de quitter la ville. Mariana et Juan renouent des liens mais Mariana ne veut pas quitter la ville avec lui. Il est provoqué en duel par Julian, dans le désert où a été tué Trueba. Juan reprend les armes, quitte Mariana et se tient prêt à se défendre. Pedro le cadet sera amené à l’abattre dans le dos de plusieurs coups de feu avec l’arme de son frère.
Le film : Reprenant peu ou prou le schéma de Le train sifflera trois fois ou son envers Rio Bravo, le scénario de Gabriel Garcia Marquez tire le film vers une tragédie sombre, épurée à la manière classique. S’il respecte à peu près les unités de lieu, de temps et d’action, c’est pour mieux enfermer ses personnages dans une prison physique et morale : de là ces multiples plans de portes, murs, grilles et fenêtres qui enclosent non seulement le héros vieillissant, mais aussi tous les protagonistes qui ne cessent de marcher et chevaucher sans pouvoir échapper à leur destin. Même les oiseaux sont soit en cage, soit comme attachés au sol, à la manière des pigeons immobiles dans le bureau du shérif.
Tout est pesant : les nuages amoncelés, la poussière ou la sueur disent assez le poids qui accable chaque être. Tous semblent fatigués de ne pouvoir échapper à ce qui est écrit, annoncé quasiment dès le début. Malgré la bonne volonté de Juan, malgré sa peur, malgré l’énergie déployée par les femmes ou par le shérif, rien n’y fait : il faut qu’il en soit ainsi. Ripstein en profite pour montrer un village dans lequel le temps s’est arrêté : le miroir date des Mayas, le fils répète les gestes du père. Mais le pire est sans doute que l’importance des enjeux, la vengeance et la mort de Juan, ne dissimule pas le caractère dérisoire de la situation : le père est mort d’avoir perdu une course, le paralysé tire par la fenêtre sur des branches, bref, le tragique dégénéré ne repose plus sur la passion, la gloire ou l’honneur, mais sur des querelles stupides aux conséquences dramatiques. C’est la médiocrité qui s’affiche chez ces personnages engoncés dans des certitudes sentencieuses et des superstitions.
Ripstein pour accuser la tragédie travaille le temps, un temps immobile et affiché régulièrement dans les dialogues ou les objets (la montre, la pendule), en particulier en étirant nombre de séquences au-delà du raisonnable. Il creuse les temps morts et expédie la fin, retardée jusqu’à l’épuisement. En scrutant les gestes les plus anodins, il ancre également dans une réalité poisseuse son intrigue.
Certes, on pourra trouver excessif le caractère marmoréen des acteurs, un peu poussifs les dialogues. Mais la maîtrise des cadres et du montage, la beauté des mouvements d’appareil et la lenteur hypnotique du film font de cette première œuvre un objet étrange et séduisant, loin des codes habituels du genre. Si l’essentiel des métrages de Ripstein nous demeure inconnu, goûtons au moins cette relecture passionnante et forte.
Les suppléments :
On recommande chaudement les présentations de François Guérif (14mn) et Bertrand Tavernier (31) qui analysent les thèmes du film (le destin, la famille destructrice, la contestation des valeurs viriles traditionnelles), son style (les cadres, les plans longs) avec la finesse habituelle de ces deux intervenants réguliers. Les bandes-annonces de la collection et de Tiempo de morir s’y ajoutent, ainsi qu’un étrange 12 confessions d’Arturo Ripstein, suite d’aphorismes et de considérations express (3mn), loin d’être indispensable.
L’image :
La copie n’est pas parfaite, mais pas loin : le magnifique noir et blanc est riche de nuances, et la profondeur de champ révèle un luxe de détails impressionnant. Certes, de temps en temps, le grain est un peu épais, mais dans l’ensemble le film ne fait pas son âge.
Le son :
L’absence de version française ne nuit pas : la seule piste disponible accorde beaucoup de présence aux dialogues, et restitue le travail sur le bruitage. Un rien de chuintement sans gravité.
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