Le 15 novembre 2020
L’auteur se livre ici à une analyse minutieuse de la fatalité qui pèse sur sa famille. Si la mélopée qu’il crée est parfois envoûtante, la démarche est sans doute trop narcissique pour être appréciée par un lecteur extérieur...
- Auteur : Camille de Toledo
- Collection : Collection jaune
- Editeur : Verdier
- Genre : Autofiction
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 15 août 2020
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : L’auteur, alias Thésée, fuit la mort des siens, le suicide, la fatalité. Il quitte l’Ouest pour l’Est et, croit-il, laisse tout derrière lui. Mais les photographies, les manuscrits et l’histoire familiale le rattraperont, labyrinthe dont il ne pourra s’échapper. Le cycle de la vie conduit chaque génération à se conformer à ce qui est inscrit dans ses gênes, à marcher dans les pas de ses ancêtres...
Critique : Les pages sont noires et blanches, l’espace jouant un rôle presqu’aussi important que l’encre des photographies, que l’encre des mots qui résonnent, se font écho – à l’image des générations qui se suivent, des vies qui se ressemblent et ricochent. Camille de Toledo enquête, tente de comprendre le suicide de son frère aîné. La corde du pendu devient celle qui lie les ancêtres aux jeunes, enserre le cou du « frère qui reste », le cloue au sol, l’empêche d’avancer, de marcher, de vivre une destinée libérée de l’influence de ceux qui l’ont précédé – vie devenue palimpseste illisible, brouillé, à décoder. L’auteur dégage d’ailleurs la conclusion que c’est impossible : le passé des uns sera l’avenir des autres, les ancêtres dictent nos pas, rythment nos destins, imposent leur empreinte qui devient ainsi nôtre. Semblable à un Thésée perdu dans le labyrinthe de sa généalogie, égaré parmi ceux qui ont foulé cette terre avant lui, assourdi par leur voix dissonante, aveuglé par leur mort violente, le narrateur – « le frère qui reste » – déambule parmi ses souvenirs, fouille l’histoire de sa famille. Il apparaît en surimpression de ces récits anciens, tantôt « je », tantôt périphrase le définissant par rapport à son aîné disparu. Le fil d’Ariane n’est plus un salut mais une condamnation, une chaîne qui étouffe, tel un collier étrangleur. Pêle-mêle, il évoque « le père » et « la mère », les Trente Glorieuses, les success story du passé, puis il plonge plus loin, mentionne la Grande Guerre, l’engagement, la maladie et les suicides qui, déjà, jetaient une ombre sur le nom des Toledo, qui menaçaient, annonciateurs de tragédies à venir. Thésée n’est donc qu’un prétexte, l’auteur ne le choisit que pour le mythe du Minotaure, du fil d’Ariane ; il isole un événement de toute la mythologie qui en découle – alors qu’il cherche précisément à démontrer qu’il ne peut être fait abstraction de la légende complète, que rien ne peut être réduit à un instant T. Il dénonce aussi le « Pouvoir », ne condamne pas que ses ascendants, mais aussi les loups des gouvernements successifs, responsables, d’après lui, des deuils, des cicatrices indélébiles qui se lèguent de génération en génération.
La démarche est intime, presque nombriliste et le lecteur se sent gêné de lire ce déballage, ce récit qui remonte les branches de l’arbre pour trouver l’origine de la fatalité, pour comprendre les douleurs présentes et les décrypter à la lumière des peines d’alors. Ce livre n’est pas un roman, davantage une mélopée funèbre, un texte hybride qui flirte avec l’essai et l’autobiographie ; d’aucuns s’interrogeront donc sur sa présence dans le carré final du Goncourt 2020…
Camille de Toledo - Thésée, sa vie nouvelle
Editions Verdier
256 pages
18,50 €
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