La Giovinezza
Le 22 octobre 2016
Sorrentino file, comme tout le monde, faire le show à la télévision... La saison 2 vient d’ailleurs d’être annoncée, quelques jours avant la diffusion française.
- Réalisateur : Paolo Sorrentino
- Acteurs : Cécile de France, Diane Keaton, Jude Law
- Genre : Drame, Historique, Série télé
- Nationalité : Américain, Italien
- Durée : 10 X 52mn
- Chaîne de TV : Ciné +
- Festival : Festival de Venise 2016
L'a vu
Veut la voir
Année de production : 2016
Mostra de Venise 2016
La nouvelle Création Originale CANAL+ créée par Paolo Sorrentino
à partir du 24 octobre sur Canal +
Résumé : THE YOUNG POPE raconte le début du règne de Pie XIII, né Lenny Belardo. Un jeune pape complexe et contradictoire, d’un conservatisme pouvant flirter avec l’obscurantisme le plus archaïque, et pourtant éperdu de compassion envers les plus pauvres et les plus faibles. Un homme charismatique et imprévisible, au pouvoir immense, qui n’offre aucune prise aux courtisans du Vatican. On le verra tour à tour courir le risque d’être trahi par ses plus proches fidèles et pétrifié par la peur de l’abandon, y compris celui de son propre Dieu. C’est pourtant ce Dieu et ses fidèles obligés qu’il défendra avec ferveur en franchissant plus d’une fois les limites édictées par les pauvres mortels..
Notre avis : Les prouesses techniques de Paolo Sorrentino au cinéma et son cocktail indigeste d’acteurs cultes ont achevé de le placer au devant de la scène internationale. Le voir figurer aux commandes d’une série HBO mettant en scène un Jude Law en pape tourmenté n’est donc en soi pas une surprise. Ne pas trop miser cependant ici sur un quelconque allègement du style rococo de l’Italien ni sur des concessions question narcissisme : les longs travellings en steadycam éclairés comme une publicité Calvin Klein demeurent. Et le bellâtre aux tempes clairsemées, coutumier de l’exercice, s’y retrouve érotisé en terrain connu. Par-delà cette complaisance à l’égard du faux et du beau, qui séduit tant de spectateurs grâce à des codes subterfuges acceptés de tous - symptôme de la publicité -, que vaut néanmoins la série dans sa structure et son récit ? Comment le cinéaste joue-t-il du temps suspendu propre aux séries, elles qui permettent aux metteurs en scène l’accomplissement de dispositifs habituellement impossibles dans le temporalité contraignante du septième art ?
© HBO
Le résultat, non exempt de défauts, ne se révèle pas tout à fait inintéressant. Le cinéaste doit en effet ici composer avec une intrigue ténue l’empêchant le plus souvent de céder à ses pulsions mégalomanes. L’introduction de The Young Pope apparaît néanmoins comme une des spécialités de Sorrentino : un rêve cauchemardesque, qui réutilise en l’occurrence le motif de la place Saint Marc de nuit auquel songeait Michael Caine dans Youth - là où il croise le fantasme de la miss Monde, qui le frôle de ses courbes avantageuses sur un isthme étroit. À la différence que le vertige n’est non pas cette fois érotique mais originel : au lendemain de son élection à l’issue du conclave, le nouveau pape, un américain, se voit rampant dans un océan de nourrissons - triste paradis que le sien. Bien qu’élu, l’homme redoute que sa jeunesse ne soit un frein à son règne, se projette s’adressant à la foule place Saint-Pierre tel une rock-star. Jeunesse et vieillesse figurent ainsi toujours parmi les obsessions de Sorrentino. Pour apaiser ses angoisses, le jeune pape va se construire une identité de démiurge, palliant dès lors sa beauté innocente, réclamant comme une diva un Coca Cherry Zero au petit déjeuner en lieu et place du banquet déjà dressé. Sa frontalité et ses manières sans précédent dans les arcanes du Vatican initient une petite révolution. Comme un parrain, l’homme installe petit à petit ses propres sbires et débute une partie d’échec pavée de pièges et d’inimitiés - commence une lutte d’influence entre lui et son secrétaire d’état, entre autres. Francis Coppola lui-même ne s’était pas trompé sur la part d’ombre méhistophélique de la papeauté (Le Parrain III).
Cigarette à la main, les yeux clos et la tête posée sur la main, le pape incarné par Jude Law semble vivre un enfer : celui de n’avoir atteint son but arriviste qu’après avoir perdu la foi. A savoir si cette figure sarcastique, qui use parfois d’une rhétorique que n’aurait pas renié Don Draper, réussira ou non à maintenir The Young Pope à flot plusieurs saisons durant. En l’état, l’humour qu’il véhicule fait parfois mouche, aidé par les personnages sénescents dont se moque ouvertement le cinéaste. D’autres protagonistes a priori attrayants viennent aussi l’épauler : c’est le cas de soeur Mary (excellente Diane Keaton), ou encore de la personne chargée du marketing du Vatican incarnée par Cécile de France. Une scène séduisante mettant en scène cette dernière en train de présenter au pape un projet de commercialisation d’une vaisselle à son effigie vaut notamment le détour. Après avoir écouté son interlocutrice vanter les mérites de cette médiatisation, le pape rétorque que le meilleur moyen de communiquer aujourd’hui est au contraire de rester dans l’obscurité : l’occasion de citer quelques-uns de ses mentors, de Salinger à Daft Punk en passant par Stanley Kubrick. Le pape ne sera que l’ombre de lui-même, plaçant le Vatican dans une position ténébreuse.
© HBO
Le pilote de deux heures diffusé à la Mostra de Venise 2016 regroupait deux épisodes et le rythme sur la fin laissait à désirer, la faute surtout à un découpage douteux. Quoi qu’il en soit, si The Young Pope ne semble a priori par un échec pour Paolo Sorrentino, il rassemble une fois de plus toutes les scories présentes dans son cinéma : un cynisme de pacotille et un goût prononcé pour les clichés. Affaire à suivre.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.