Le 28 mars 2023
La mise en perspective cinématographique du récit de l’héroïne magnifie le point de vue du premier volet du diptyque. The Souvenir Part I et II fête incontestablement la naissance sur les écrans français d’une grande réalisatrice, Joanna Hogg.
- Réalisateur : Joanna Hogg
- Acteurs : Tilda Swinton, Ariane Labed, Richard Ayoade, Charlie Heaton, Joe Alwyn, Harris Dickinson, Honor Swinton-Byrne
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain, Britannique
- Distributeur : Condor Distribution
- Durée : 1h48mn
- Reprise: 29 mars 2023
- Date de sortie : 2 février 2022
- Festival : Festival de Cannes 2021, Festival de La Rochelle 2022
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Résumé : Sortant durement éprouvée de sa liaison avec Anthony, homme séduisant et manipulateur, Julie cherche à faire la lumière sur l’existence fictive qu’il s’était inventée et à mettre de l’ordre dans ses propres sentiments. Lui vient alors une idée un peu folle : et si elle consacrait son film de fin d’études à cette douloureuse histoire d’amour ? Peut-on vaincre ses blessures en mettant en scène un épisode de sa propre vie ?
Critique : Il y avait dans la première partie, le récit magnifié d’une jeune réalisatrice aux prises d’un dandy terrassé par la drogue. L’histoire se continue jusqu’à ce que la fameuse porte blanche de l’appartement de Julie, plantée d’un L reconnaissable parmi toutes les entrées londoniennes, devienne un élément de décor de cinéma que des ouvriers installent en vue d’un prochain tournage. L’ambiguïté du premier volet est enfin levée. Julie met en scène sa propre expérience conjugale pour exorciser un traumatisme qu’elle s’était gardée de mettre en mot jusque là. Elle renonce à son projet premier pour s’engager dans une œuvre tourmentée et personnelle, pour se sauver d’un choc affectif et psychologique. The Souvenir Part II devient un objet d’analyse sur les effets thérapeutiques de la création artistique, mais aussi sur le cinéma en lui-même. On assiste non sans une certaine jubilation aux déconvenues des tournages, à l’exigence des réalisateurs, à l’orgueil des comédiens, mais aussi à la critique ouverte de la considération des femmes dans le milieu du cinéma.
- Copyright Agatha A. Nitecka/Condor Distribution
La deuxième partie de The Souvenir évolue vers un projet d’émancipation de Julie. Elle se répare du deuil et adopte la fiction pour donner des clés d’explication à un récit personnel au sein duquel elle s’était positionnée comme victime. Il y a dans le film une portée tout autant féministe qu’esthétique. Joanna Hogg emmène le spectateur dans une réflexion profonde sur les ressorts de la création et ses effets réparateurs. Le personnage de Julie change, jusque dans les toilettes de plus en plus soignées qu’elle porte. Elle assume sa beauté, fait pousser ses cheveux, comme si elle était enfin devenue une femme et une artiste accomplie. Joanna Hogg égratigne une certaine bourgeoisie anglaise. L’héroïne se libère de tous les jougs, à commencer celui de l’argent ou de la sexualité, et donne à son cinéma une touche fantaisiste et poétique. On assiste véritablement à la renaissance d’une réalisatrice de cinéma, tout autant dans les traits du personnage que de Joanna Hogg elle-même qui se hisse dans les souvenirs de sa propre jeunesse.
- Copyright Agatha A. Nitecka/Condor Distribution
La mise en scène et l’écriture du scénario proposent une mise en perspective du destin de Julie, totalement labyrinthique. On ne sait plus où le réalisme et la fiction se situent, donnant raison au fameux adage de Jean Cocteau : Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité. Le cinéma devient plus réel que la réalité elle-même. En ce sens, Joanna Hogg crée un langage cinématographique très original, qui rappelle parfois les ambivalences du cinéma de la Nouvelle Vague avec le réalisme. On se perd avec elle dans une mise en abime vertigineuse, semblable à un emboîtement de scènes de moins en moins réalistes. Seule la musique continue de battre le rythme des années 80 et l’on perçoit peut-être la nostalgie d’une époque où tout semblait possible.
- Copyright Agatha A. Nitecka/Condor Distribution
Avec ce deuxième et dernier volet du diptyque The Souvenir, Joanna Hogg offre une œuvre de cinéma encore plus forte que le premier volet. Le spectateur ressort de cette expérience visuelle et émotionnelle, grandi par l’avènement d’une réalisatrice aboutie qui avoue avoir toute l’existence devant elle pour trouver un sujet à raconter.
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