Le 28 mars 2023
En confiant à la caméra l’odyssée tragique d’une jeune-femme, de surcroit réalisatrice, aux prises avec un homme toxicomane, Joanna Hogg transforme ce qui pourrait être une simple auto-fiction en un drame esthétique et sensible.
- Réalisateur : Joanna Hogg
- Acteurs : Tilda Swinton, Tom Burke, Ariane Labed, Richard Ayoade, Honor Swinton-Byrne
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain, Britannique
- Distributeur : Condor Distribution
- Durée : 1h59mn
- Reprise: 29 mars 2023
- Date de sortie : 2 février 2022
- Festival : Festival de Cannes 2021, Festival de La Rochelle 2022
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– Année de production : 2019
Résumé : Au début des années 80, Julie, une jeune étudiante en cinéma qui se cherche encore, rencontre Anthony, un dandy aussi charismatique que mystérieux. Prise sous le charme de cet homme plus âgé, elle se lance aveuglément dans ce qui s’avère être sa première véritable histoire d’amour. Malgré les mises en garde de son entourage, Julie s’enferme peu à peu dans une relation toxique, qui pourrait bien menacer son avenir.
Critique : Julie est inscrite dans une école de réalisation cinématographique, à Londres, où elle apprend les ficelles du métier. Elle est d’abord photographe, à l’instar de Joanna Hogg, offrant à l’écran des images de la ville écossaise de Sutherland, d’un noir et blanc superbe, où elle envisage de réaliser son film d’études. Elle a tout pour être heureuse : une famille riche qui lui permet de jouir d’un appartement au cœur de la capitale de l’Angleterre qu’elle partage avec un ami, des projets plein la tête et une sensibilité magnifique. Mais comme nous sommes au cinéma, et peut-être aussi dans la vraie vie, les choses se corsent quand elle rencontre un homme plus âgé qu’elle, emmitouflé d’un manteau quasi princier, dont elle tombe amoureuse. L’homme est cultivé, brillant, il travaille pour le ministère des Affaires étrangères, étant doté d’un magnétisme qui lui donne tous les attraits du pur dandy. En réalité, se noue entre les deux une relation complexe, faite d’emprise et de manipulation, à l’intérieur de laquelle la drogue prend une place toute particulière.
- Copyright Condor Distribution
The Souvenir Part I est conçu comme un film impressionniste qui refuse toute forme de surenchère narrative et émotionnelle. L’héroïne principale apparaît comme un être complexe, dans le déni ou l’acceptation consciente des pressions psychologiques que lui fait subir son compagnon. Elle l’aime, dans l’absolution totale, en imposant à son existence de femme l’impossibilité de jouir de sa jeunesse, et développer sa créativité, tant l’emprise prend le dessus sur sa liberté personnelle et artistique. Mais elle ne se plaint pas. Les deux protagonistes ne se parlent pas vraiment de la violence de leur relation. Le long-métrage devient alors une sorte de démonstration romanesque du non-dit qui peut étouffer les relations humaines. Julie s’interdit de juger son amant ou de céder à la colère ou la haine, à l’exception d’une seule fois où elle parvient à le mettre à la porte de son appartement.
Joanna Hogg cultive dans son récit un rapport absolument particulier à l’argent. Les parents de Julie ne sont pas du tout dans le besoin, c’est une chose. Mais le couple se réfugie dans des hôtels luxueux, entreprennent des voyages incroyables, alors même que Julie ne cesse d’emprunter de l’argent à sa mère. L’appartement, les toilettes de la comédienne, dénotent une représentation absolument décomplexée à la matérialité. Au contraire, la facilité apparente avec laquelle le couple se perd dans la consommation finit par avoir raison de la puissance créatrice de la jeune réalisatrice qui fréquente de moins en moins l’école. La douleur n’affleure que rarement sur le visage de Julie, comme si elle devait se résigner à une existence aussi désinvolte que torturée.
- Copyright Condor Distribution
Le film utilise le format traditionnel du 24 mm. L’analogie avec l’école de cinéma qui pendant les années 80 s’adonne au développement de la télévision est évidente. Mais la couleur vaporeuse, le filtre particulier de l’image offrent une perspective résolument picturale et romantique. La musique des années 80 accompagne comme un personnage à part entière les déambulations poétiques des deux personnages, dans un climat anxiogène et libéré à la fois : le rock exalte le Royaume-Uni qui subit dans le même temps des attentats violents. La mise en scène alterne entre la rétention et la pudeur des sentiments, l’exaltation baroque et survoltée de toute une populace bourgeoise et artiste, et la fièvre de la ville. La recherche esthétique constitue le cœur du récit, au point que le spectateur s’attend pendant deux heures à voir surgir les grues et les caméras d’une autre réalisatrice en train de filmer la relation toxique qui lie la jeune femme à Anthony. Mais l’histoire se poursuit jusqu’au bout, dans un formalisme romanesque totalement assumé.
- Copyright Condor Distribution
The Souvenir Part I a cela d’intéressant qu’il peut se suffire à lui-même, comme une œuvre complète, à l’exception peut-être de connaître les réalisations cinématographiques auxquelles parvient Julie. Le spectateur est emporté dans un flot sensible et original qui donne naissance à une grande réalisatrice, Joanna Hogg.
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