Le 27 mai 2020
HBO adapte le roman de Stephen King, The Outsider, dans la foulée de la parution du livre. Si le maître de l’horreur ne se transpose pas si facilement à l’écran, la réussite de la série tient dans sa capacité à recréer une ambiance sombre et inquiétante. En dépit de quelques longueurs, The Outsider plonge dans l’Amérique profonde, dont les certitudes s’ébranlent lorsque l’impensable arrive.
- Réalisateur : Richard Price
- Acteurs : Paddy Considine, Jason Bateman , Ben Mendelsohn, Bill Camp, Julianne Nicholson, Mare Winningham, Marc Menchaca, Cynthia Erivo
- Genre : Fantastique, Thriller
- Durée : 10 épisodes de 50 à 60 minutes
- Date de sortie : 12 janvier 2020
- Plus d'informations : A voir sur OCS
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Résumé : Un crime atroce est commis dans une petite ville sans histoires en Géorgie. L’entraîneur de baseball est arrêté en plein match, car son ADN se trouve partout sur la scène de crime. Pourtant, son alibi indique sa présence à des centaines de kilomètres à ce moment-là...
Critique : Une fois n’est pas coutume, le premier épisode de la série commence par l’arrestation du coupable. Terry Maitland, le coach de baseball de la ville, est inculpé pour le meurtre du jeune Frankie Peterson, onze ans. La dimension particulièrement horrible du crime ne laisse pas le choix au procureur : il faut boucler l’enquête rapidement et aider la petite ville à retrouver sa quiétude. Le coach Terry, respecté et apprécié de tous, se montre totalement abasourdi par cette arrestation. Sa famille, comme celle du jeune garçon, est désormais dévastée.
Les plaies les plus douloureuses sont celles que l’on ne voit pas. Celles du chagrin immense, de la colère ou de l’amertume. C’est cette douleur dont parle la série : l’enquête cherche moins à arrêter le coupable qu’à enfin panser les plaies béantes laissées par ce meurtre. A chaque peine, son illustration. L’inspecteur chargé de l’enquête, Ralph Anderson, est lui-même rongé par le deuil de son fils, le poussant à prendre à cœur cette histoire, au-delà de son enquête. La famille Peterson, elle, incapable de surmonter le cataclysme du meurtre, se désagrège dans la rancœur et la douleur. La famille Maitland, exposée à la honte, au soupçon et à la déchirure, doit affronter l’injustice et la perte du père de famille. La douleur se nourrit du chagrin, comme une boulimie insatiable.
La série prend rapidement un tournant fantastique avec l’apparition à l’écran d’un personnage présent dans l’univers de King : Holly Gibney. Personnage atteint de multiples troubles psychiques, elle s’avère une enquêtrice hors-pair, grâce à son sens de l’observation et son esprit de déduction. Pourtant, c’est un des personnages les moins bien réussis dans la série : en dépit d’un arc amoureux qui cherche à l’humaniser et introduire un personnage secondaire, entraînant quelques facilités scénaristiques, son charisme ne suffit pas à convaincre. Trop cliché, systématique et sans relief, le personnage incarné par Cynthia Erivo peine à sortir d’un rôle purement utilitaire d’un chasseur de primes usé par sa mission.
En revanche, l’introduction progressive du fantastique, transformant la psychologie du cerveau humain et les conséquences du deuil sur le psychisme en quelque chose d’étranger, est une réussite. L’atmosphère rendue possible via les couleurs des plans, le jeu de Ben Mendelsohn (Ralph Anderson), la descente aux enfers d’un policier possédé par l’investigation, confèrent non seulement à l’histoire sa vraisemblance mais aussi sa noirceur moite, comme une fièvre qui colle à la peu et qui fait se sentir sale.
En dehors du personnage d’Holly Gibney, celui de la femme de Ralph, l’inspecteur, qui vient en soutien de la famille Maitland, qui accompagne son mari dans le deuil de leur fils, est particulièrement bien écrit. Profond et délicat, ce rôle saisit parfaitement la compassion, l’écoute, la volonté de comprendre et en fait, au final, le personnage le plus rationnel de la série. Le couple Anderson permet ainsi un équilibre qui fait écho aux interrogations du spectateur : qu’est-ce qui est possible et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Quels sont les indices ? Ne sont-ils pas déjà sous nos yeux ?
La série témoigne une nouvelle fois de la qualité et du soin apportés par les productions HBO à la réalisation. Ce sont des plans de cinéma à l’écran, larges, facilitant l’immersion dans la série, ce sont aussi des acteurs à la hauteur de l’écriture et une narration au long cours qui ne cherche pas le cliffhanger à chaque coupure publicitaire.
Enfin, le dernier épisode, bien que réalisé de manière très classique, montre à lui seul le caractère allégorique du propos de la série, contenu dans les mythes universels et constants chez King. Les monstres sont différents pour chacun d’entre nous et les affronter, c’est avant tout affronter ses propres démons.
The Outsider parle donc de la quête de sens que nous cherchons face à l’horreur qui surgit dans nos vies, où le chagrin devient la seule compagnie. La réalisation dans un décor sombre, oppressant comme peut l’être un village de Géorgie, renforce l’aspect noir du thriller. Le poids du silence des souffrances qui touchent les personnages les écrase dans leur chagrin dont rien ne peut les libérer, si ce n’est le temps. En se réfugiant dans le travail, l’alcool ou son cocon familial un temps, il arrive le moment où chacun va devoir sortir et affronter le monstre.
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