Japan Culture Porn
Le 8 septembre 2019
Cette série sur la carrière de Toru Muranishi, pape du porno nippon, à la fois joyeuse, sordide et un « poil » déroutante, se regarde avec amusement et intérêt « sociologique ».
- Réalisateur : Masaharu Take
- Acteurs : Takayuki Yamada, Jun Kunimura, Lily Franky, Sairi Itō, Ryo Ishibashi
- : Netflix
- Durée : 8 épisode de 39 à 52 min
- VOD : NETFLIX
- Genre : Érotique, Société
- Titre original : 全裸監督
- Date de sortie : 8 août 2019
- Plus d'informations : The Naked Director
Résumé : Dans les années 1980 au Japon, sa détermination a transformé chaque revers douloureux en opportunité. Il s’appelait Toru Muranishi, et il a révolutionné son secteur.
Notre avis : Tout cinéphile sait qu’à peine les frères Lumière avaient présenté leur cinématographe, que des bobines cochonnes s’échangeaient sous le manteau. Le porno connaît sa première heure de gloire au début des années 70, via une distribution « normale » en salle, avant son classement X. La grande révolution aura lieu pendant les années 80, avec l’arrivée du magnétoscope et des vidéo clubs, permettant au porno d’entrer dans les foyers. Un âge d’or, pour un business qui verra naître ses premières stars.
La perception de la pornographie est culturelle et sociétale, avec parfois d’étranges contradictions, comme, par exemple, aux États-Unis. Ce pays, où il est toujours interdit de dire « fuck » à la télévision, est en même temps l’un des berceaux de la production mondiale porno. Un autre cas assez déroutant est le Japon, et c’est en partie le propos de ce Naked Director, série originale Netflix disponible depuis cet été. Cette première saison - la suite a été annoncée dans la foulée - raconte les débuts de Toru Muranishi, un Marc Dorcel nippon, et plus comme on le verra.
Tout commence en 1980. La trentaine, marié et père de deux enfants, Muranishi fait du porte-à-porte pour vendre des encyclopédies anglaises, alors qu’il ne pipe pas un mot d’anglais. Grâce à un mentor, il apprend assez de ficelles pour fourguer un frigo à un Inuit, et devient le meilleur vendeur de sa boîte qui, hélas, fait faillite. Il se retrouve sur le pavé et en guise de prime de départ, il surprend sa femme dans une furieuse partie de jambes en l’air avec son amant. Elle le quitte, non sans lui avouer qu’elle n’a jamais eu d’orgasme de toute leur union. Est-ce la vraie histoire ? Nous avouons n’avoir pas lu le livre de Nobuhiro Motohashi, sur la vie et la carrière de ce personnage, dont est tirée la série, mais cette « révélation » va visiblement servir de déclic : Toru décide d’assouvir ses pulsions et se lance dans la vente de revues érotiques, des bini bons. Comme c’est un sacré baratineur et vendeur, ça marche bien, assez pour passer du papier à la vidéo, au moment du boom des premiers magnétoscopes.
- Copyright Netflix
En voyant The Naked Director, on ne peut s’empêcher de penser au film de Paul Thomas Anderson, inspiré de la vie de John Holmes, Boogie Nights (1997), qui se passe à la même époque, et montrait les aspects festifs et sordides de ce milieu. La série nous plonge dans les mêmes rouages de cette industrie version nippone, à commencer par la « fabrication ». Des séances photos aux imprimeries, les étapes de production des « films », casting, maquillage, tournages et même trucages, avec un tuto sur la recette du faux sperme propulsé par seringue… tout y passe, dans une ambiance à la fois bon enfant et semée d’embûches. Cette industrie est aussi le terrain d’affrontements et de carambouilles entre concurrents, distributeurs du marché officiel et ceux du marché noir contrôlé par les yakuzas, sans oublier la corruption ou cette ubuesque commission de censure organisée par les producteurs eux-mêmes, sorte de « Conseil de l’Ordre » des pornographes. C’est d’ailleurs sur cet aspect culturel que la série est déroutante, tout du moins de notre point de vue occidental. Si dans le Japon ancien, les estampes n’hésitaient pas à représenter des galipettes acrobatiques et crues, avec pénis et vagins surdimensionnés copieusement velus, la pilosité pubienne ou sous les bras sera ensuite proscrite, et du coup objet de fantasmes. C’est ainsi que dans le porno japonais, tout est caché par des sparadraps ! En revanche, pour les diverses pratiques SM et autres « curiosités », pas de problème, tant qu’on ne voit pas de poils. Cette spécificité nippone donne alors lieu à des scènes cocasses ou déroutantes, à commencer par celle d’ouverture. On n’en dira pas plus.
- Copyright Netflix
Muranishi va surtout innover et se distinguer, en donnant de sa personne. Lors d’un casting, il se met en scène pendant qu’il fait l’amour à une débutante, tout en tenant la caméra, et offre au spectateur un fameux POV (Point Of View). Une démarche bien avant celle de l’Américain John Stagliano, avec sa série de gonzos Buttman (oui, à la rédaction on suit également cette branche du septième art). Il va renouveler l’exercice un bon nombre de fois, lui valant ainsi son surnom de « Naked Director ». CQFD.
The Naked Director est un joyeux divertissement plutôt bien écrit et réalisé, qui se laisse regarder avec amusement et curiosité, non pas pour les scènes dénudées, plutôt soft, mais plus pour son côté quasi documentaire sur la société japonaise des années 80 - c’est la fin de l’ère Shōwa et de l’empereur Hirohito -, pétrie de contradictions, entre pudibonderie ancestrale et soif refoulée de sexe plus que débridée. Enfin, on soulignera le budget mis sur la table par Netflix pour cette production, visible à l’image et dans sa réalisation, mais aussi à l’oreille, avec une bande son gorgée de tubes des années 80 et d’autres plus récents, comme l’usage récurrent de Back To Black d’Amy Winehouse. En attendant la suite…
- Copyright Netflix
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thaumasnot 29 avril 2020
The Naked Director - la critique de la série
On dégote plus souvent les perles de Netflix en allant au-delà des frontières américaines et françaises où les cahiers des charges semblent restreindre le champ des possibles. Le déluré et inattendu "The Naked Director" est en ce sens typique et si la série décrit un Japon des années 80 pris dans le paradoxe d’une société aux règles strictes et l’envie de les transgresser, cette description me semble tout à fait valable dans le Japon d’aujourd’hui, et par extension dans les pays occidentaux actuels où la liberté sexuelle semble s’arrêter bien avant que ne commence celle de son prochain... Il me reste 2 épisodes à voir de cette première saison car je ne suis que rarement un adepte du binge watching mais je ne me suis pas ennuyé une seconde lors des six premiers. L’évolution du personnage principal remarquablement interprété par Takayuki Yamada est passionnante à suivre et on le sent porté par toutes ses ambitions, catalysées par autant de revers. D’autres personnages sont intéressants - bien qu’un peu caricaturaux comme le flic Takei, sorte de Bill Murray improbable, ou le producteur Ikezama qui a tout du magnat inflexible. Les scènes de tournage de films pornos sont bien ficelées, notamment celle où le réalisateur paye de sa personne pour la première fois avec une jeune japonaise en recherche d’émancipation, où cette autre où le personnage "Rugby" s’improvise acteur et part pour une chevauchée sexuelle en extérieur avec sa partenaire à bout de bras. Au final il n’y a pas de vraie trame à cette histoire, ça me donne plus l’impression de saynètes qui s’enchaînent et qui pourraient facilement être visionnées dans un ordre différent, c’est assez foutraque mais plaisant et rafraîchissant et on voit qu’il y a du budget dans les décors, la reconstitution minutieuse des années 80 et les tournages à Hawaï. Je regarderai la fin de la saison 1 avec plaisir, par contre je crains que le renouvellement des histoires sera compliqué pour une saison 2 mais avec les Japonais...