Le 4 janvier 2024
Culminant avec deux belles séquences violentes et baroques, l’œuvre mobilise à la fois un réalisme social sophistiqué et un courant gore qui fait glisser le récit de la surface dorée à l’horreur exacerbée.


- Réalisateur : Im Sang-soo
- Acteurs : Moon So-ri, Jeon Do-yeon, Seo Woo , Lee Jung-jae, Yoon Yeo-jeong
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : Pretty Pictures
- Durée : 1h45mn
- Titre original : Hanyo
- Date de sortie : 15 septembre 2010
- Festival : Festival de Cannes 2010

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Résumé : Lee Euny est engagée comme gouvernante dans une riche maison bourgeoise. Le mari de la famille la prend pour maîtresse. La vie de toute la maison va alors basculer.
Critique : Auteur des remarquables Une femme coréenne et The President’s Last Bang, Im Sang-soo signe un beau mélodrame cruel à l’érotisme décalé, peinture au vitriol d’une certaine nouvelle bourgeoisie de Séoul. On songe à La cérémonie de Chabrol dans cette radioscopie d’une humiliation de classe, au-delà des bienséances et des rapports aseptisés. Le cinéaste déclare avoir voulu conter une sorte de partie de poker perturbée par une bombe qui n’épargne aucun des quatre personnages : ni la jeune domestique, docile et conciliante au point d’accepter d’être le jouet sexuel de son employeur ; ni ce dernier, mari volage et égocentrique, n’éprouvant aucune culpabilité ; ni la jeune épouse, prête à tout pour ne pas perdre son statut de mère de famille entretenue ; ni la vieille gouvernante, détestant son travail mais restant fidèle envers et contre tout. Deux figures secondaires se complètent, s’opposent et arbitrent dans ce jeu de massacre étouffant : la fillette, unique représentante de la compassion et de l’humanité, et sa jeune grand-mère, monstre de froideur et de cynisme.
- Copyright Pretty Pictures
Culminant avec deux belles séquences, violentes, baroques et choquantes, l’œuvre mobilise à la fois un réalisme social sophistiqué et un courant gore et fantastique qui fait glisser le récit de la surface dorée à l’horreur exacerbée. D’aucuns ont regretté l’usage de stéréotypes, de poncifs, ainsi qu’une esthétique sur papier placé figeant le film dans un univers lisse : c’est confondre l’emballage et le produit fini, l’apparence et la recréation, la fausse piste et la clef. Car The Housemaid distille dès son déroutant prologue (une défenestration suscitant l’indifférence de voisins festifs) un sentiment d’étrangeté et d’incongruité qui sera récurrent tout au long de la montée de la tension dramatique. Im Sang-soo se hisse alors au rang des grands cinéastes de la noirceur humaine contenue (de Losey à Bertolucci).
- Copyright Pretty Pictures
Il faut enfin dire un mot de l’interprétation féminine : Jeon Do-youn est parfaite dans ce rôle d’aide-gouvernante en borderline, aliénée et ayant conscience de l’être ; elle donnera bien des frissons au spectatrices enceintes... Sa prestation est aussi brillante que dans Secret Sunshine, qui lui avait valu le prix d’interprétation à Cannes. Quant à Youn Yuh-jung, elle compose son double âgé avec finesse et nuance, passant de l’antipathie épidermique (telle la Mrs Danvers de Rebecca) à un visage plus avenant,sans céder aux sirènes du cabotinage.