Le 29 septembre 2021
Chef-d’œuvre cinématographique, La Cérémonie est une fiction marxiste portée par deux comédiennes exceptionnelles.
- Réalisateur : Claude Chabrol
- Acteurs : Isabelle Huppert, Jean-Pierre Cassel, Sandrine Bonnaire, Virginie Ledoyen, Jacqueline Bisset, Valentin Merlet
- Genre : Drame, Policier
- Nationalité : Français, Allemand
- Distributeur : Carlotta Films, MK2 Distribution
- Durée : 1h51min
- Date télé : 2 février 2024 21:08
- Chaîne : France 5
- Reprise: 29 septembre 2021
- Date de sortie : 30 août 1995
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Résumé : Sophie, bonne analphabète et secrète mais dévouée, est engagée au service d’une famille bourgeoise de Saint-Malo. Son amitié avec la postière, curieuse et envieuse, va déclencher une série de drames.
Critique : Jamais Claude Chabrol n’avait porté à un tel degré d’incandescence son hostilité à l’ethos bourgeois, surtout lorsque celui-ci se drape dans la respectabilité, qui prend à la fin les atours de la distinction, au sens bourdieusien du terme, c’est-à-dire dans des pratiques culturelles distinctives.. Ainsi, les Lelièvre sont exécutés au moment même où, comble de grotesque, ils mettent leurs plus beaux habits pour regarder un opéra à la télévision. La charge est évidemment politique, mais Chabrol n’a pas l’intention de l’asséner comme une profession de foi, grand joueur qu’il est, jusqu’au stupéfiant dénouement final où les meurtrières, avatars modernes des sœurs Papin, sont elles-mêmes victimes d’une terrible fatalité, comme s’il fallait remettre la fiction sur ses pieds et rappeler le rôle démiurgique de l’auteur, qui s’arroge un droit de vie et de mort sur tous ses personnages.
Pour le reste, les comédiens sont formidables, Isabelle Huppert et Sandrine Bonnaire en tête, toutes deux récompensées par la Coupe Volpi, à la Mostra de Venise 1995 : la première trouve dans le rôle d’une postière viscéralement sans-gêne un des meilleurs emplois de sa carrière, prouvant une fois de plus que, dans son magnifique parcours artistique, sa collaboration avec Chabrol aura été un jalon important ; la seconde incarne une servante mutique et analphabète, qui garde pour elle ses sentiments réprobateurs et vit dans la honte d’être découverte. A travers elle, défile une cohorte dont le marxisme a documenté le destin, ces "damnés de la terre", subissant l’humiliation d’être socialement dominés, attachés au service de bourgeois qui les méprisent. Dans le rôle du patriarche, qui suinte l’arrogance, Jean-Pierre Cassel livre une prestation de haute tenue, comme la version plus cauteleuse de l’ignoble Paul Decourt dans Que la bête meure.
Des années après, l’un des chefs-d’œuvre du réalisateur demeure un film d’une brûlante actualité : oui, il se pourrait bien que des gens socialement méprisés retournent la violence contre ceux qui l’ont déchaînée.
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