Voyage au bout de la nuit
Le 12 avril 2010
Trois femmes, trois destins qui fusionnent. Stephen Daldry adapte Les Heures de Michael Cunningham et nous invite à une immersion dans l’univers ambivalent de Virginia Woolf. Une expérience éprouvante mais précieuse.
- Réalisateur : Stephen Daldry
- Acteurs : Nicole Kidman, Julianne Moore, Meryl Streep, Toni Collette, Claire Danes, Ed Harris, Jeff Daniels, John C. Reilly, Miranda Richardson, Allison Janney, Stephen Dillane, Eileen Atkins, Linda Bassett
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Américain
- Distributeur : TFM Distribution
- Editeur vidéo : TF1 Vidéo
- Durée : 1h54mn
- Date de sortie : 19 mars 2003
– Regards croisés : Les heures, le roman de Michael Cunningham
Résumé : Dans la banlieue de Londres, au début des années 20, Virginia Woolf lutte contre la folie qui la guette. Elle entame l’écriture de son grand roman, Mrs Dalloway. Plus de vingt ans après, à Los Angeles, Laura Brown lit cet ouvrage : une expérience si forte qu’elle songe à changer radicalement de vie. À New York, aujourd’hui, Clarissa Vaughn, version moderne de Mrs Dalloway, soutient Richard, un ami poète atteint du sida.
Critique : À l’occasion de la sortie américaine, il y a quelques semaines, du film de Gaspar Noé Irréversible, David Ansen, critique de Newsweek, s’interrogeait sur la limite entre le douloureusement déplaisant et le totalement intolérable au cinéma. Autrement dit, faut-il qu’un film dérange au point de déclencher la nausée pour atteindre son public ? Curieusement, David Ansen rapprochait, dans le domaine de l’insoutenable, le viol interminable de Monica Bellucci et les interrogations existentielles des trois héroïnes de The Hours. Il ne s’agissait pas de donner une appréciation qualitative de ces films, mais un aperçu des réactions tranchées d’un public malmené ces derniers temps. Et c’est vrai qu’il faut un grain de masochisme pour se laisser entraîner dans la spirale de tristesse de The Hours. À première vue, rien de bien effrayant : une journée dans la vie de trois femmes, à trois époques et trois lieux différents. À Londres, au début des années 1920, Virginia Woolf (Nicole Kidman) entame l’écriture de Mrs Dalloway, une de ses grandes œuvres. Deux décennies plus tard, Laura Brown (Julianne Moore), plongée dans la lecture du roman, en est bouleversée au point d’envisager de changer radicalement sa vie. Enfin, à New York, aujourd’hui, Clarissa (Meryl Streep), une version moderne de Mrs Dalloway, organise une soirée en l’hommage de Richard, un ami poète atteint du sida. Il n’y aura pas de bouleversement, ni de cataclysme, juste une journée de plus dans la vie des trois héroïnes. C’est là le pari audacieux du film : raconter les heures de nos vies, ce qui les rend à la fois inestimables et brutalement insurmontables. Stephen Daldry s’est appliqué à établir des liens entre ces trois récits par une unité de couleur dans les décors et les costumes, par la musique envoûtante de Philip Glass, et surtout par les petits gestes quotidiens des héroïnes (un bouquet de fleurs qu’on dispose, un petit-déjeuner qu’on esquive) qui servent de transitions entre les scènes. Pourtant, c’est avant tout le caractère tragique de leur existence qui les unit. Si Virginia Woolf semble totalement consciente de son état, de ses instincts autodestructeurs, Laura ne paraît pas réaliser la tristesse de sa vie. Elle la subit. Toutes trois d’ailleurs, sans avoir totalement perdu le contrôle de leur existence, se débattent avec une époque, un présent qu’on a défini pour elles : Virginia Woolf, en proie à une violente crise intérieure, supplie son mari de quitter la campagne, où il l’a isolée, pour retrouver l’excitation de Londres ; Laura tente vaillamment de se couler dans le moule de son rôle de femme épanouie au foyer.
Bien que, contrairement à elles, Clarissa semble avoir choisi sa vie, sa sexualité, son désir d’enfant, elle y est en réalité étrangère, tant le passé, les bons et les mauvais souvenirs, et surtout les questions sans réponse la torturent. Du coup, confectionner un gâteau d’anniversaire ou organiser une réception deviennent un acte héroïque qui nécessite autant de courage que de gagner une guerre. Fascinante pour les uns, étouffante pour les autres, l’évocation de ces mondes intérieurs relevait du pari, tant il était audacieux de porter à l’écran le roman de Michael Cunningham. Pétri de références littéraires, son récit, couronné de prix, offrait un jeu de pistes fascinant dans l’univers de Virginia Woolf, a priori impossible à retranscrire au cinéma. Pourtant le film est à la hauteur de ses aspirations ambitieuses. La distribution est impeccable, bien au-delà des trois rôles principaux. Un coup de chapeau à Nicole Kidman, qui, même affublée d’une prothèse nasale, n’a pas cherché la performance dans ce rôle de composition. Le scénario de David Hare est subtil et prend les libertés nécessaires avec le roman. La réalisation, fluide, parvient à rythmer un film, construit essentiellement sur une succession de dialogues statiques. Seul bémol peut-être : un rien d’autosatisfaction qui transpire de l’écran. Voir The Hours ne doit pas constituer une épreuve. Ou bien, c’est considérer que parler, sans détour, de la vie et de la mort tient de l’intolérable. Bien au contraire, si profondes soient les eaux boueuses de l’Ouse dans lesquelles s’enfonce lentement Virginia Woolf dès la première séquence du film, la remontée à la surface n’en est que plus savoureuse, et on est plein de reconnaissance envers Stephen Daldry de nous avoir rappelé la modernité de l’univers de cette remarquable romancière britannique.
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21 décembre 2004
The Hours - Stephen Daldry - critique
Je ne connaissais pas ce film. A vrai dire je n’en avais jamais entendu parler. Il y a une semaine nous l’avons visionné en classe. Et je tenais a dire que c’est un film passionnannt pour les personnes ayant une âme de littéraire.
c’est très interressant de voir comment le réalisateur a réussi son pari : celui de raconter les heures de nos vies tous en effectuant une approche novatrices
Moi qui n’aime pas trop, le monde ciinématographique, je peux assurer que ce film est un chef d’oeuvre et il vaut vraiment la peine de prendre une heure et demie de son temps pour s’y plonger.
Vraiment vous ne serez pas deçu et vous pourrez même ainsi vous poser une auto reflexion sur votre vie.
babay 21 avril 2005
The Hours - Stephen Daldry - critique
quel film magnifique !
je viens de le revoir en dvd et ma première émotion est restée parfaitement intacte.
Ces trois histoires de femmes"qui ont l’air d’aller bien" mais qui en fait souffrent, ces trois Mrs Dalloway à trois époques différentes, me touchent énormément.
très doux, mélancolique et triste, The Hours donne vraiment envie de dévorer l’oeuvre de Virginia Wolf.
Jujulcactus 9 août 2010
The Hours - Stephen Daldry - critique
D’une intelligence inouïe, « The Hours » est un film complétement bluffant ! J’avais pourtant une légère appréhension sur le traitement de vies parallèles (trois au total) tant on aurait pu se retrouver devant l’exposition de trois histoires hermétiques entre elles ... Il n’en est rien ! Et c’est là la grande force du film, c’est l’engrenage qui s’installe progressivement entre ces histoires et qui donne tout son sens à la fin ; on se pose alors des questions, on trouve toutes nos réponses et on comprends à quel point le film est fin et intelligent ! Tout part d’un livre écrit dans les années 20 par Virginia Woolf une jeune écrivain jouée par une Nicole Kidman méconnaissable et oscarisée pour ce rôle, une histoire sur un temps assez long, pas toujours très captivante mais extremement importante. Et en parrallèle à l’écriture de ce roman et de la vie tourmentée de son auteur, on peut suivre la journée d’une mère de famille des années 50 qui prépare l’anniversaire de son mari (Julianne Moore dans le rôle est exeptionnelle !), et la journée d’une femme qui tente d’organiser une réception en l’honneur d’un ami poète malade (Meryl Streep parfaite comme toujours). Trois histoires, trois femmes, trois destins, et un scénario fantastique cousu de fil blanc qui se laisse découvrir progressivement ... Au début on trouve que les époques ne se mèlent pas bien, que la BO joue trop la carte du mélodrame mais finalement on se laisse conquérir. Sinon on l’aura compris : interprétations magistrales et casting de rêve et ce jusque dans les seconds rôles ; Allison Janney, Jeff Daniels ou Toni Colette par exemple ! On peut pas en dire beaucoup plus sur ce film qui brasse des sujets graves et sensibles avec un tact et une pudeur absolue et qui nous embarque à coup de surprises et d’émotions, sinon que de le découvrir ! Une oeuvre fascinante ...