Trauma post 11 Septembre
Le 24 février 2012
Un parcours initiatique fragmentaire, saturé de messages symboliques, et qui se regarde comme un drame consensuel et convaincant
- Réalisateur : Stephen Daldry
- Acteurs : Tom Hanks, Sandra Bullock, Thomas Horn
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Durée : 2h08mn
- Date télé : 9 septembre 2021 20:55
- Chaîne : RTL9
- Titre original : Exrtremely loud and incredibly close
- Date de sortie : 29 février 2012
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Un parcours initiatique fragmentaire, saturé de messages symboliques, et qui se regarde comme un drame consensuel et convaincant
L’argument : Oskar Schell, 11 ans, est un jeune New-Yorkais à l’imagination débordante. Un an après la mort de son père dans les attentats du World Trade Center, le "jour le plus noir", selon l’adolescent, il découvre une clé dans les affaires du défunt. Déterminé à maintenir un lien avec l’homme qui lui a appris à surmonter ses plus grandes angoisses, il se met en tête de trouver la serrure qui correspond à la mystérieuse clé. Tandis qu’il sillonne la ville pour résoudre l’énigme, il croise toutes sortes d’individus qui, chacun à leur façon, sont des survivants. Chemin faisant, il découvre aussi des liens insoupçonnés avec son père qui lui manque terriblement et avec sa mère qui semble si loin de lui, mais aussi avec le monde déconcertant et périlleux qui l’entoure...
Notre avis : A plusieurs égards, Extrêmement fort et incroyablement près marque un tournant dans la carrière filmique de Daldry. Cette impeccable maîtrise du langage classique, ce classicisme hollywoodien qui oeuvraient à la beauté ténébreuse de The Reader ou The Hours (son meilleur film à ce jour, et un grand film sur la création littéraire) atteignent ici une forme de paroxysme et menacent de voler en éclats, comme si une peur latente insufflait à la forme traditionnelle de ses récits la menace d’une dissolution intérieure et baroque.
En cela Extrêmement fort est un film dont la facture est peut-être plus originale qu’il n’y paraît. Cette menace que le récit tente de conjurer par un flot de paroles et de péripéties rocambolesques, et qui s’origine bien entendu dans les attentats du 11 septembre, fait du métrage une forme de mélo fantaisiste hybride, où deux tendances esthétiques coïncident étrangement. D’un côté, Extrêmement fort a tout de la manière hollywoodienne : la caméra épouse le drame intérieur des personnages pour nous faire éprouver leurs émotions, selon un procédé d’identification que renforce la belle musique d’Alexandre Desplat (tout de même moins géniale que la bande composée par Philip Glass pour The Hours, quoiqu’elle s’en inspire beaucoup). D’un autre, le film semble parfois s’empêtrer dans une démesure grandiloquente, puisque la pseudo-enquête menée par Oskar pour éclaircir le secret de son père donne lieu à un schéma invraisemblable, où le jeune garçon est amené à rencontrer tous les nommés "Black" de New-York.
Dans une telle configuration, le récit est saturé d’éléments symboliques, depuis le choix des noms ("Black" renvoyant au jour "noir" des attentats) jusqu’à l’histoire des personnages (le grand-père, né en Allemagne, est muet, comme si le poids de son histoire l’avait muré dans le silence), en passant par un lot de situations à très forte connotation métaphorique. Saturation excessive mais fascinante, qui entraîne chez le spectateur un tourbillon de sentiments contradictoires, entre l’agacement et la séduction opérée par cette histoire abracadabrantesque où les digressions se multiplient sans vraiment aboutir.
L’interprétation du jeune Thomas Horn est tout entière marquée par ce paradoxe, et il semble qu’elle doive autant aux méthodes de l’Actor’s Studio qu’à une forme de pantomime exubérante et de goût revendiqué pour le pathos, sans que cela déplaise particulièrement. On se laisse guider naïvement dans ses errances à travers New-York, toucher par les révélations qu’il peut faire, jusqu’à un dénouement qui, d’une certaine manière, fait regretter le manque d’économie formelle du film tout en étant particulièrement émouvant, puisqu’il donne lieu à une déclaration d’amour maternel où Sandra Bullock se révèle bouleversante.
Peut-être avant-tout un drame pour enfants, Extrêmement fort et incroyablement près suscitera chez les adultes des réactions contrastées. Certains y verront un insupportable mélo larmoyant et patriote. D’autres, un drame bouleversant sur le trauma post-11 septembre. Par-delà ces réactions antagonistes et sans doute, aussi légitimes l’une que l’autre, on y verra plutôt une production hollywoodienne convaincante et qui peut se lire, en filigrane, comme un témoignage intéressant : celui d’un cinéma qui s’essaie à contenir un drame latent, aussi souterrain que les buildings décrits par Oskar et dans lesquels reposent les morts ; d’un cinéma qui suffoque, jusque dans son montage saccadé et son récit saturé d’oxymores, mais qui n’en finit pas d’être hanté par sa douloureuse entrée dans le XXIe siècle.
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