Le culte du vide
Le 11 juin 2013
Hypocrite, vain, répétitif, consensuel : le nouveau Sofia Coppola est une énorme déception.
- Réalisateur : Sofia Coppola
- Acteurs : Emma Watson, Leslie Mann, Taissa Farmiga, Israel Broussard
- Genre : Drame, Teen movie
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Pathé Distribution
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 12 juin 2013
- Festival : Festival de Cannes 2013
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Résumé : À Los Angeles, un groupe d’adolescents fascinés par le people et l’univers des marques traque via Internet l’agenda des célébrités pour cambrioler leurs résidences. Ils subtiliseront pour plus de trois millions de dollars d’objets de luxe : bijoux, vêtements, chaussures, etc. Parmi leurs victimes, on trouve Paris Hilton, Orlando Bloom et Rachel Bilson. Les médias ont surnommé ce gang, le "Bling Ring".
Critique : Une bande d’adolescents, tous issus de familles aisées de Los Angeles, qui durant des mois cambriolèrent les villas des plus grandes stars américaines, dont Paris Hilton, Orlando Bloom et Lindsay Lohan ? Oui, cette histoire est bien réelle et fit la Une de toutes les médias californiens au moment des faits. L’anecdote raconte d’ailleurs que c’est à la lecture d’un article publié dans Vanity Fair que Sofia Coppola eut l’idée d’en faire un film. Et pour cause, tous les éléments pouvant faire aboutir ce projet semblaient réunis : une histoire véridique au fort potentiel comique et politique – la critique d’un système malade –, un groupe de jeunes aux attitudes extravagantes, le tout se déroulant à Los Angeles, ville racine du cinéma hollywoodien que Coppola connaît parfaitement – son dernier long métrage, Somewhere, s’y déroulait déjà. Las, malgré un projet promis au succès – un casting radieux, une sélection à Cannes –, The Bling Ring est une énorme déception. Et c’est peu dire.
Si le cinéma de Sofia Coppola n’a jamais été guidé par un style parfaitement défini, il ne fait aucun doute que The Bling Ring constitue une rupture dans sa filmographie – bien que parsemée d’œuvres très différentes les unes des autres. Le film, très rythmé, dispose d’images en perpétuel mouvement où viennent souvent s’incruster des beats violents et agressifs qui traduisent la ferveur des jeunes gens qu’il présente, véritables victimes d’un système manipulateur et abrutissant où le paraître règne en maître. La vitesse à laquelle les actions se déroulent est telle que même les nombreux ralentis, utilisés par Coppola dans nombre de ses films, paraissent frénétiques. L’image est colorée, sucrée, frétillante, mais uniquement composée de choses fausses puisque, très rapidement, le spectateur sera agressé par un matraquage publicitaire comme rarement vu au cinéma, Sex and the City mis à part – toutes les grandes marques partenaires ont droit à leur moment de gloire.
Bien qu’indispensable au déroulement d’un film qui a pour cœur la mode et le monde de la nuit, la vulgarité avec laquelle Coppola déverse sans retenue les outils de la bêtise qu’elle pense dénoncer en devient vite écœurante. Preuves en sont les apparitions inutiles de Paris Hilton et Kirsten Dunst, jouant leur propre rôle dans une boîte de nuit, qui sonnent comme les aveux d’une volonté marketing évidente - la première a d’ailleurs prêté sa maison pour le tournage, dévoilant ainsi au monde entier ses richesses. La présence de la tapageuse musique de Phoenix – dont le chanteur, Thomas Mars, est le mari de la réalisatrice – ne fait que renforcer ce sentiment d’assister à un défilé du clan Coppola venu vendre sa marque.
Difficile de voir une logique artistique dans cette évolution de style, The Bling Ring venant en effet rompre de manière brutale avec le précédent long métrage de la cinéaste, Somewhere, qui privilégiait une approche intimiste et descriptive de ses personnages centrés sur eux-mêmes. Ici, le groupe d’adolescents n’existe que par ses actes, et ne constitue en aucun cas une somme de personnalités tant la psychologie de ses différents membres ne sera que peu développée, malgré une vaine tentative de romance amicale – et dont l’intérêt narratif est totalement nul.
Cette incapacité à faire de ses personnages de réelles figures de cinéma, alors que le fait divers s’y prêtait parfaitement, est très étonnante de la part d’une cinéaste qui a toujours fait de l’intime le centre de son récit. Cela aurait pu s’expliquer par une recherche d’effets comiques mais, hélas, The Bling Ring ne dispose d’aucun second degré, d’aucune autodérision et, d’une manière plus générale, d’aucune réflexion sur les sujets qu’il présente – le vol, la société de consommation, le luxe, la pression médiatique, la dénonciation. De fait, le film est à l’image de ce qu’il raconte, à savoir un système hypocrite, et ne dispose d’aucun enjeu - même les scènes d’arrestation en sont dénuées. Certes, tout n’est pas à déplorer, l’ensemble restant plutôt divertissant notamment grâce à un rythme des plus soutenus. Mais ce n’est pas un schéma narratif extrêmement répétitif qui viendra nous faire croire que The Bling Ring est le film cool qu’il prétend être : il s’agit plutôt d’un film rigide, muet, où la vie est totalement absente.
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