Tête baissée - la critique du film

Filmé au scalpel, un thriller efficace qui nous emmène bien loin des clichés touristiques de la Bulgarie, avec un Melvil Poupaud à contre-emploi étonnant.

L’argument : Accusé de trafic de fausse monnaie entre la France et la Bulgarie, Samy, un repris de justice, accepte le marché de la police française : infiltrer la mafia bulgare du proxénétisme ! Une mission à très haut risque qui place sur sa route Elka, une jeune prostituée bulgare...

Notre avis : C’est dans une Bulgarie absolue sinistre que se déroule Tête baissée, le nouvel opus de Kamen Kalev (The Island, Les ponts de Saravejo), une contre publicité pour son pays d’origine. Ici, point de lieux incontournables du folklore local, ni églises ni monastères, mais une lugubre désolation dans un univers urbain constitué d’antiques cités HLM délabrées où sont parqués à l’entrée des tziganes rassemblés dans un camp.
C’est dans cet étrange paysage que se déroule l’action, où Samy faux monnayeur est chargé par une commissaire d’infiltrer un réseau de prostituées. Le rôle est interprété par Melvil Poupaud, plus habitué au cinéma d’auteur francophone (Conte d’été de Rohmer ou Laurence Anyways de Xavier Dolan). Devenu ici bad guy dans un contre-emploi seyant, Melvil Poupaud s’en sort avec les honneurs en distillant à son personnage une touche d’humanité dans un film où celle-ci fait souvent défaut, tant les personnages sont exécrables.

© Le Pacte
En essayant de sauver une jeune mineure d’un dessein funeste dans la prostitution, Samy se hisse sur le chemin de la rédemption. Son chemin de croix n’en sera que plus remarquable, risquant sa vie à chaque instant pour lutter contre les effroyables et impitoyables mafias bulgare et turque. On assiste d’ailleurs du côté des seconds rôles à un véritable festival de sales gueules, tout ces individus semblant portant sur leur faciès leurs vices intérieurs et leur malfaisance.

© Le Pacte
Kamen Kalev dont le nouveau film ressemble beaucoup à son remarquable Eastern plays établit un terrible constat : les laissés-pour-compte de la société post-communistes sont prêts à tout pour sortir de la désespérance, certains même à devenir prostitués. Une scène totalement inouïe et d’une grande violence psychologique nous interpelle : la jeune cousine d’Elka supplie Samy de l’emmener pour devenir, elle aussi, prostituée comme Elka. Glaçant.
Une ribambelle d’acteurs bulgares particulièrement talentueux dont la jeune Seher Nebieva, évolue dans les eaux opaques de ce thriller nerveux et sous tension sur fond de musique anxiogène. Filmé au scalpel Tête baissée prend des allures de tragédie grecque dans un final d’une noirceur totale, prouvant une fois de plus que l’inexorable fatum est en marche et que rien ne pourra l’arrêter, au risque d’abîmer autant les spectateurs que les âmes des protagonistes embourbées dans des marécages ténébreux et austères.