Février - Kamen Kalev - critique

Critique : "Il y a un malentendu", dit le jeune soldat Petar, exilé sur une île, à son sergent. Son grand-père était berger, son père aussi, alors lui aussi sera berger. Le jeune homme préfère à la camaraderie, la solitude des champs, le piaillement paisible des oiseaux, le bruissement des vagues de la mer et le secret des fleurs. Ce n’est pas un mauvais bougre, loin de là. Il a été élevé par son grand-père, loin des villes, dans une solitude magnifique dont il ne semble pas souffrir, où il a appris à composer avec les éléments naturels et surnaturels et à se façonner des amis à travers les animaux qui peuplent son univers, remplissant sa tête d’enfants de mythologies merveilleuses.

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Février est un long métrage hors normes. A l’heure du réchauffement climatique, de l’emballement des places boursières totalement déconnectées de l’économie réelle, Kamen Kalev choisit de faire un film qui prend le temps de l’éblouissement. Le récit s’inscrit dans trois temporalités fondamentales de Petar, comme le symbole ternaire d’une vie tournée vers la simplicité et la nature. L’enfance commence le récit, l’âge adulte est raconté dans le service militaire et le récit se clôt sur la vieillesse de l’homme. En près de deux heures, le cinéaste bulgare raconte une vie simple, pétrie de brebis et de terre ; il invite à la patience, à la beauté des paysages. Février est écrit et filmé comme une légende spirituelle où l’on croit percevoir le souffle d’un Saint François d’Assise et les mots d’un poète champêtre. D’ailleurs, le garçon étrenne des vers dans sa tête. La langue est très belle, elle porte des images d’une incroyable profondeur, mettant en scène les replis mélancoliques de Petar qui fuit l’humanité.

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Voilà un film qu’il faut regarder à la manière d’une ascèse. Février invite à s’arrêter et à se laisser entraîner par le rythme, hors de toute temporalité, et à goûter la beauté métaphysique du récit. Le cinéaste assigne son spectateur, non pas à renoncer à la vie, mais à choisir une vie qui soit en harmonie avec les éléments, la nature, voire les dieux. Les images provoquent un effet presque hypnotique où le récepteur est libre d’ailleurs de s’abandonner au demi-sommeil. La plupart des séquences semblent sorties d’une peinture de Van Gogh, avec des flux de couleurs. La musique, sobre et délicate, rappelle qu’il s’agit d’une œuvre de cinéma et non pas d’un essai dédié à occuper un musée. Février subjuguera littéralement le spectateur qui est entraîné dans une composition impressionniste et spirituelle, où les sons, la lumière, les couleurs et les mots fusionnent miraculeusement.