Le 1er novembre 2022
Plus qu’un documentaire sur le confinement, Temps morts invite le spectateur au cœur de l’humanité artistique de deux êtres mis entre parenthèse par un certain virus.


- Réalisateurs : Vincent Dieutre - Julien Thèves
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : DHR - À Vif Cinémas
- Durée : 1h24mn
- Date de sortie : 12 octobre 2022

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Résumé : L’un est confiné à Paris, l’autre à la campagne. L’un est écrivain, l’autre réalisateur. Au printemps 2020, tous deux correspondent avec leurs téléphones. Ils filment le réel et se filment dans l’épreuve, pendant l’épidémie. Cette traversée du temps est un document historique, intime et collectif, drôle et profond, tourné dans l’urgence de l’événement. Que faire de ce « temps mort », de ce temps retrouvé ?
Critique : Julien Thèves a été avec Guillaume Dustan la figure iconoclaste de la littérature gay en pleine explosion du sida. Cette fois, il ne s’agit plus de cette maladie dont certains auraient pu se réjouir qu’elle s’attaque au plaisir et à l’amour, mais d’un mal universel qui arrête le monde dans un silence perpétuel. L’écrivain est resté à Paris, dans son immeuble immense ; il n’écrit plus, peut-être à cause de cette solitude forcée ; il sort dans les rues désertes trois fois par jour. Vincent Dieutre, le documentariste qui est un ami de l’écrivain, s’est enfui dans un endroit magnifique, le Moulin d’Andé. Les deux hommes communiquent à coups de caméras interposées, pendant que les saisons passent.
- Copyright La Huit production
La campagne filmée par Vincent donne à voir le passage du temps. On entend les animaux, les fleurs illuminent les arbres, alors que Paris semble, elle, arrêtée dans une seule saison. À la limite, le seul évènement qui marque le temps demeure les cris et les bruits de casseroles que la population urbaine entonne chaque soir à vingt heures en hommage aux soignants. L’autofiction s’invite dans ce roman à deux voix. Les deux artistes parlent de désir, de Duras ou Rimbaud aussi à travers une citation, de solitude, de peur, et cette entreprise cinématographique constitue une sorte d’opportunité à transcender le réel pénible pour la population mondiale. En réalité, les deux hommes ne se parlent pas vraiment. Ils écrivent ce que les pages ne parviennent pas à tracer dans un langage solitaire et filmique.
Le contraste est saisissant entre la campagne normande et la ville. Certes, les premières images très soignées de la Seine entraînent le spectateur dans une sorte de fascination lente. Mais peu à peu, l’ennui prend la place aux couleurs bucoliques, le sexe virtuel s’empare de l’écran et le vide créé par cette situation inédite met à jour les solitudes des deux artistes. Le dessein poétique du film est évident. Il manquerait presque une version livresque de ces deux vies suspendues, qui viendrait colorer ce récit autobiographique. Temps morts témoigne d’une période qui nourrira les livres d’Histoire. On nous parle de la mort du chanteur Christophe, des rues sans habitant, des prises de parole du président Macron, de l’économie bloquée, bref d’un monde qui bascule à tout jamais dans une nouvelle dimension.
- Copyright La Huit production
Temps morts est une œuvre originale qu’il faut appréhender pour ce qu’elle est : un hommage simple et généreux à la solitude qui a été celle de chacun d’entre nous pendant presque six mois. C’est aussi un film sur le cinéma et la création artistique qui se fondent à partir du rien de deux artistes, imposé par un virus.