Le 24 octobre 2021
Plus de vingt-cinq ans après sa sortie, Tchao Pantin semble un mélodrame terriblement dépassé, dont seuls les décors valent le détour.
- Réalisateur : Claude Berri
- Acteurs : Philippe Léotard, Richard Anconina, Agnès Soral, Coluche, Mahmoud Zemmouri
- Genre : Drame, Policier
- Nationalité : Français
- Distributeur : AMLF Distribution
- Durée : 1h30mn (DVD), 1h33mn (Blu-ray)
- Date télé : 29 août 2023 22:45
- Chaîne : Paris Première
- Box-office : 3 829 139 entrées (France) dont 856 133 (Paris-périphérie)
- Date de sortie : 21 décembre 1983
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Résumé : Lambert, le regard fatigué et l’oeil rougi par l’alcool, traîne sa solitude dans un garage parisien. Il est pompiste de nuit. Bensoussan, jeune dealer, fuit la police et se réfugie dans la station. Ils deviennent amis. Un jour, Bensoussan est assassiné...
Critique : Il n’est pas si courant qu’un film accède au rang d’expression, par la grâce de son acteur principal. "Faire son Tchao Pantin", ce serait, par antonomase, suivre les traces de Coluche, qui surprit son monde dans un contre-emploi sérieux, ce serait donner raison à Aristote qui, dans La poétique, avait déjà scellé le sort de ce qu’on désigne comme "comique" et ne mérite pas les égards dus au registre tragique. On paraphrase quasiment le commentaire acide de l’humoriste, lorsqu’il reçut le César du meilleur acteur 1984 pour son rôle de pompiste alcoolique, dans ce mélodrame urbain so eighties. Mais, disons-le d’emblée, le plus grand talent du film n’est ni Claude Berri, réalisateur médiocre, incapable de hisser sa mise en scène au-delà d’un académisme rance, ni Coluche qui n’était pas un acteur si formidable, ni Anconina et Soral (Agnès), dont les personnages s’avèrent beaucoup trop stéréotypés pour leur laisser la possibilité de les incarner d’une manière crédible. Laissons de côté le transpirant Philippe Léotard, qui n’effectue que des apparitions.
Non, la vraie star du film, celui auquel ce long métrage daté doit une fière chandelle, c’est Alexandre Trauner, le mythique décorateur des films de Carné, qui parvient à restituer l’ambiance des quartiers populaires, de Belleville à Barbès, en passant par la porte de La Chapelle, jusqu’à la Bastille, avec l’aide de son chef opérateur Bruno Nuytten. Le long métrage privilégie des ambiances nocturnes où le bleu de travail du petit pompiste semble se fondre dans un décor cafardeux à souhait. A d’autres moments, ce sont des milieux interlopes, voisinant avec la pauvreté et s’accommodant de combines en tout genre : Yousseff Bensoussan, petit trafiquant sans le sou, est le produit des relégations sociales, un représentant de ces enfants d’immigrés maghrébins, ceux de la "deuxième génération", qui ont dit la même année que Tchao Pantin leur ras-le-bol du racisme, en organisant la célèbre "marche des beurs".
La fraternisation du beauf Lambert et du fougueux Bensoussan, angoissé par la perspective de sa déchéance sociale, est la rencontre de deux solitudes qui aurait pu aboutir à de jolies scènes : au lieu de quoi, n’ayant pour son comédien vedette que des yeux de Chimène, Claude Berri lui construit un rôle à César, avec son lot de scènes à faire, où la rédemption du père indigne passe par un itinéraire quasi christique, la mort figurant bien sûr une sorte d’apothéose. Le protagoniste, à qui les maquilleurs de Coluche ont fait la tête d’un personnage à la Cabu -rouflaquettes en berne, œil vide, alcoolisme geignard, idées en pagaille et clichés en bandoulière- est une forêt de signes vers lesquels doivent converger tous les mouchoirs à Margot. Et, comme si l’on n’avait pas compris le poids de la culpabilité que porte Lambert sur ses larges mais si fragiles épaules, l’aveu sanglotant du personnage s’avance avec la grâce d’un éléphant, sur fond de confession autobiographique. Quelques minutes plus tard, on aurait aimé que, se prenant quasiment les pieds dans un chat noir, Lambert envoie valser cette métaphore lamentable et proleptique. Mais non : pataugeant jusqu’au bout dans la mise en scène démonstrative, Claude Berri conduit son personnage à l’échafaud, croit sans doute tenir une sorte d’apogée artistique. La barbe.
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