Sunday - Jonathan Nossiter - critique

Critique : Récompensé aux festivals de Deauville et Sundance, et présenté dans la section « Un Certain Regard » de Cannes, ce récit déconcertant eut un joli accueil critique sans rencontrer l’écho public qu’il aurait mérité. Jonathan Nossiter, dont ce fut le premier long métrage de fiction, apparaissait comme l’héritier d’un Hal Hartley dont l’inspiration commençait à fléchir. Pourtant, à l’exception du captivant documentaire Mondovino (d’un tout autre registre), la suite de sa carrière fut un coup d’épée dans l’eau. Sunday évite tant le jeunisme ambiant de maintes productions indépendantes (de Larry Clark à Gus Van Sant, excellents cinéastes au demeurant) que le plagiat allénien qui, de Tom DiCillo à Edward Burns a souvent constitué un sous-genre. Ici, l’unité de temps, d’action et de lieu (le quartier du Queens, parent pauvre de Manhattan) évite l’effet de style et le misérabilisme en cernant au plus près deux désœuvrés, laissés-pour-compte de la classe moyenne supérieure, intellectuelle et économique, à une époque où le néologisme de bourgeois bohème ne sévissait pas encore. Mais c’est surtout l’ambivalence manifeste des deux protagonistes qui fascine, dans ces longues séquences de dialogues qui sont autant de monologues juxtaposés. Le quiproquo initial finit par faire entrer l’ancien cadre vagabond dans un nouveau rôle, tandis que l’actrice ratée n’est peut-être pas dupe de son malentendu. Le travail magnifique du chef opérateur, la finesse du scénario (point de happy end consensuel), et l’interprétation sans failles du couple Lisa Harrow/David Suchet font de ce bijou une rareté à (re)découvrir.