Muy calor
Le 23 février 2011
Après son remarqué Mondovino, Jonathan Nossiter change d’air pour une comédie en roue libre dans les favelas de Rio, mêlant documentaire et fiction de manière déconcertante.
- Réalisateur : Jonathan Nossiter
- Acteurs : Irène Jacob, Charlotte Rampling, Bill Pullman, Jérôme Kircher, Jean-Marc Roulot, Mary Sheila, Fisher Stevens
- Genre : Comédie
- Nationalité : Français, Brésilien
- Date de sortie : 23 février 2011
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– Durée : 2h04
Après son remarqué Mondovino, Jonathan Nossiter change d’air pour une comédie en roue libre dans les favelas de Rio, mêlant documentaire et fiction de manière déconcertante.
L’argument : Un groupe d’étrangers venus de différents pays se retrouve sur les plages de Rio...
Notre avis : Jonathan Nossiter est un drôle de bonhomme. Né à Washington mais élevé aux quatre coins du monde, à la fois cinéaste, essayiste et sommelier reconnu, goûtant aussi bien le documentaire que les films de fiction, partageant sa vie entre les Etats-Unis et le Brésil... Réalisateur à part, il a surpris son monde avec Mondovino, docu décapant sur le monde du vin, sélectionné à Cannes en 2004.
Nossiter cultive visiblement un amour du paradoxe et du cosmopolitisme, qui lui ont sans doute inspiré la trame de son nouveau long-métrage, chassé-croisé dans les rues de Rio de Janeiro : il y a le Dr Charlotte (Charlotte Rampling), chirurgien esthétique britannique prenant conscience des dégâts de sa profession pour finalement les combattre ; Irène (Irène Jacob), la petite Française, anthropologue et vidéaste amateure partie pour dénoncer les inégalités et les conditions de vie que subissent les habitants, mais qui termine dans les bras de son beau-frère caméraman (on a plaisir à retrouver ici Jérome Kircher) ; et enfin William (Bill Pullman), diplomate américain fuyant ses responsabilités pour se planquer dans une favela, aux côtés d’un magouilleur yankee et de son (ses) amante(s) indienne(s). Tous sont tiraillés par la question du plaisir et du désir, et ses rapports/contradictions avec celle de devoir (politique, moral, conjugal...). C’est évidemment dans la cité babylonienne de Rio, terre de fantasmes et étendard d’une sensualité libérée, que les personnages entendent régler (ou compliquer) ces dilemmes.
Jonathan Nossiter, loin de s’extraire des clichés attachés à la ville brésilienne, les ressert en masse façon "dossier à problèmes", tout autant pour les dénoncer que pour en jouer à fond. Pris d’un vertige de la liste, Rio Sex Comedy va donc aborder de front l’attraction des plages, le tourisme sexuel, la chirurgie esthétique, les telenovelas abrutissantes, mais aussi la fracture sociale entre les quartiers, le trafic d’armes et de drogue, le sort des Indiens, les fraudes des ONG. Fidèle à une dynamique surprenante qui mélange séquences de fiction et véritables témoignages face caméra, sans qu’il soit toujours aisé de démêler le vrai du faux, le film oscillera entre le sérieux de ses sujets et la folie douce de son traitement. « Les journaux et les films exploitent l’image des favelas. Ça c’est la réalité, on est pas au cinéma ! ». Le credo de Fischer, truand guidant les touristes au cœur des favelas, apparaît bien ironique au regard du film - car "exploiter l’image des favelas", c’est exactement ce que Rio sex comedy est en train de faire, avec un sens de la distance quasiment guerrier. Le cinéaste avance sur les terrains les plus minés et n’épargne pas grand-monde (à commencer par les Occidentaux et leur fausse bonne conscience), avec comme caution une exigence de légèreté affirmée dès le début, le temps d’une danse aérienne en compagnie de Charlotte Rampling.
Évidemment, cette manière de foncer dans le tas sans prendre de gants a de quoi réjouir, mais si la satire fonctionne sur certains points (la diabolisation des favelas par les médias, ou encore les cars de touristes emmenés dans les bidonvilles pour un "Jungle tour"), son énormité laisse parfois perplexe (les conférences des fausses ONG, complètement ubuesques, tournant à la grosse farce).
Au gré d’un habile récit à tiroirs, émaillé de quelques salves comiques redoutables, le but de Nossiter semble de surprendre constamment le spectateur sans jamais cesser de lui montrer une réalité - réalité qui, on s’en doute, dépassera toujours la fiction en terme d’absurdité. Sa réalisation, libre comme l’air, calée sur l’urgence et la folie de ses situations, revivifie au passage le traditionnel triangle femme-mari-amant grâce à l’aide d’un casting inspiré. A contre-courant (l’étonnant Bill Pullman) ou non, professionnels ou amateurs, emmenés par une Charlotte Rampling comme toujours délicieuse (déjà vue chez Nossiter dans Signs and wonder), les acteurs apportent au film la conviction dont lui-même, goguenard, veut constamment se dédouaner. On ne sait pas trop où le cinéaste veut en venir avec ce portrait délirant, fourre-tout, d’une ville de contrastes et de mirages. Peut-être cet aveu : pendant quelques secondes, le personnage d’Irène Jacob tient un livre entre les mains, un bouquin de Balzac, Illusions perdues.
La bande-annonce : ICI
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