Les raisons de la colère
Le 17 juin 2014
Le nouveau cru de Jonathan Nossiter lance le débat sur le vin naturel tout en souffrant de quelques longueurs. A consommer avec modération.
- Réalisateur : Jonathan Nossiter
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Italien
- Durée : 1h23mn
- Titre original : Natural resistance
- Date de sortie : 18 juin 2014
- Plus d'informations : La page Facebook du film
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Intervenants :
– Stefano Bellotti (agriculteur)
– Elena Pantaleoni (agricultrice)
– Giovanna Tiezzi (agricultrice)
– Gianluca Farinelli (directeur de la Cinémathèque de Bologne)
Dix ans après Mondovino, documentaire qui a créé la polémique sur l’univers du vin, le réalisateur américano-brésilien Jonathan Nossiter cultive son idée de ce que doit être le bon vin en partant à la rencontre de plusieurs vignerons italiens.
L’argument : Réunis sous le soleil de l’Italie, une poignée de vignerons et un directeur de Cinémathèque partagent leur passion du vin et du cinéma.
En quelques années, des agriculteurs libres ont transformé la conception du vin ainsi que son marché en produisant un vin dit "naturel". Par goût de la liberté, de la transmission, de l’honnêteté artisanale et de la santé de la planète (et de ses habitants), ils sont entrés en résistance. Contre la tyrannie du marché et des gouvernements qui le servent.
Stefano Bellotti, le Pasolini des vignes (poète et rebelle !) dans le Piémont et Elena et Anna Pantaleoni, deux générations de femmes Émiliennes, ré-imaginent, souvent avec leur ironie, comment contester. Rejoins par Corrado Dottori dans les Marches et Giovanna Tiezzi en Toscane, ils partent tous à la recherche de la prochaine bataille.
Mais un engagement écologique envers la nature ne sert à rien s’il n’y a pas également une écologie de la culture. Comme le vin, la transmission vitale et le rôle contestataire de la culture cinématographique sont menacés de disparition.
Notre avis : Jonathan Nossiter aime le cinéma et le bon vin ! C’est sans doute pour cela qu’il a bâti sa carrière de documentariste, aussi bien sur petit que sur grand écran, en réalisant des films qui combinent ces deux passions, lui permettant d’illustrer son propos en images après avoir écrit des ouvrages tels que Goût et Pouvoir sur le même sujet.
Dix ans après Mondovino, il présente ce nouveau documentaire, qui s’attarde cette fois-ci sur les difficultés des agriculteurs italiens à satisfaire les critères de l’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée en France) tout en cultivant sans pesticides. A l’heure où cette pratique se généralise et inquiète le
consommateur européen lambda, le film reprend tous les ingrédients du
combat de David contre Goliath, en montrant le petit agriculteur soumis au
géant européen, Bruxelles centralisant ici tous les griefs possibles.
{{© Goatworks Films/Paula Prandini}}Manichéen, le film l’est forcément, d’autant plus qu’il recueille les témoignages de ces agriculteurs sans tenter de contrebalancer leurs dires par l’intervention des hautes sphères. On l’aura alors compris :
Jonathan Nossiter a choisi son camp, et invite le spectateur à suivre son chemin. Au risque de ne pas lui donner, et volontairement, toutes les clés
pour vraiment comprendre la situation.
Il ne faut cependant pas s’y tromper : loin d’établir un simple constat sur la perdition du vin biologique, il s’agit plutôt d’évoquer un patrimoine culturel en perdition, et de lancer le débat sur le manque de respect accordé par les jeunes générations à l’histoire même de l’Italie et à sa culture. Le film a le mérite de faire se rencontrer et discuter entre eux le directeur de la Cinémathèque de Bologne, Gianluca Farinelli, et huit agriculteurs qui déplorent tous le passé, en mode "c’était quand même mieux avant".
{{© Goatworks Films/Paula Prandini}}Souffrant alors de quelques longueurs, notamment parce que les protagonistes ne sont pas assez nombreux et que le film pâtit de cette absence de contradiction qui permettrait d’offrir aux propos de plus amples arguments, le documentaire distille surtout des extraits de films, datant pour la plupart des années 50.
Tout l’intérêt du film est là : laisser la parole aux uns, tout en
montrant les longs métrages des autres, qui illustrent le propos des
différents intervenants en rappelant des combats passés, pour la plupart perdus d’avance.
{{© Goatworks Films/Paula Prandini}}Jonathan Nossiter entrecoupe ses interviews de morceaux choisis, au cœur d’images qui font partie du patrimoine cinématographique mondial et qui évoquent subtilement et avec malice à quel point, de tout temps, les petits se sont débattus contre les grands. Alors que les premières séquences ont des difficultés à s’insérer vraiment dans le film, les suivantes tranchent avec le reste et sont les bienvenues, notamment pour le repos des yeux. Car le documentaire, filmé caméra à l’épaule, irrite parfois l’oeil sur une telle durée, notamment lors des interventions des vignerons, intéressantes sur le fond mais au cadrage pénible sur la forme.
{{© Goatworks Films/Paula Prandini}} Ce trop long métrage perd de son intérêt lorsque le spectateur se rend compte du nombre trop peu élevé d’intervenants, qui n’ont en plus pas le même temps d’antenne. L’opinion sur la question de savoir ou non s’il faut
consommer du vin biologique est alors tellement orientée que le film en
devient fastidieux dans sa démarche.
Mais la façon dont le documentariste s’amuse avec des extraits de films de Pier Paolo Pasolini, d’Alfred Hitchcock ou encore de Charlie Chaplin sauve l’ensemble, notamment parce que des bandes sons de films tels que Le Guépard de Visconti se retrouvent associées à La Ruée vers l’or de Chaplin. Un véritable jeu de piste peut s’engager pour les cinéphiles, chargés alors de comprendre chaque référence avec le délice de revoir des classiques qui ont marqué leurs temps.
{{© Goatworks Films/Paula Prandini}}Le charme du film repose également dans son message, tant la joie et l’espoir sont encore présents autant dans le caractère de ces vignerons que dans leurs actions.Ce documentaire profondément humain cherche avant tout à rappeler que, derrière les intérêts économiques, se cachent des hommes et des femmes qui aiment profondément leur terroir. Si l’amour du cinéma et du vin de certains réalisateurs peut permettre de mettre en lumière un problème alimentaire probablement inévitable, Jonathan Nossiter a le mérite de le faire avec le cœur. Les vignes lui disent merci.
{{© Goatworks Films/Paula Prandini}}
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