Le 8 juillet 2018
La Villette donnait à voir, réunies en une représentation, deux pièces de danse contemporaine du talentueux chorégraphe Angelin Prejlocaj : de l’importance de la musique dans la danse.
- Genre : Opéra, ballet & danse
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Notre avis : Si la musique est indissociable de la danse, l’inverse n’est pas vrai. Au point qu’on imagine mal une heure trente de mouvements ou de bruits de pas sans une note ou une percussion alors qu’un concert sans ballet est chose courante. C’est la pleine conscience de cette idée qu’amène le spectacle de ces deux pièces. La critique se doit de distinguer impérativement la peine de l’oreille du plaisir de l’œil pour ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
- JC Carbonne
Pour Still life, le bain sonore est tiède et parfumé aux années 80, kaleidoscope acoustique façon Ircam. Noto et Sakamoto, compositeurs hors-pair par ailleurs, imitent le Velvet underground et leurs bruits de machines, avec une réserve toute nippone. Ils enchaînent subtilement les mix de cliquetis, de grincements de roues, exploration high-tech en-deça du bruitage. Ils donnent pour nom à leur œuvre le numéro 79D. 69 aurait pu encore faire rêver mais dix de plus exclut la sensualité. Avec le temps, ce qui leur était nécessaire en tant que compositeurs nous est indifférent en tant qu’auditeurs. Le risque pourtant, c’est que tous ces bruits pizzicato de machines glougloutantes ne viennent déteindre sur la chorégraphie en lui donnant une ergonomie de robotique. Heureusement, Angelin Prejlocaj présente une œuvre magnifiquement dansée comme à son habitude. Les duos en série (deux danseurs exécutant les mêmes pas) y sont parfaitement réglés, les duos (deux danseurs exécutant des pas complémentaires) sont gracieux, les corps s’emmêlent, se répondent, les gestes sont émouvants. Le meilleur moment est soutenu par des violoncelles quand un couple s’ébat dans un cône de lumière. Un oasis avant de repartir vers les borgborygmes de digestion du droïde R2-D2 de StarWars. Passons. Les danseurs sont habillés de noir, deuil oblige, puisque le spectacle mesure la brièveté de la vie et les vanités humaines. Six objets symboliques blancs de Still life qu’on retrouve dans les peintures de nature morte sont brandis en cercle par les danseurs, comme le ferait une divinité indienne, pour raconter ce qui nous agite sur cette terre. Un crâne, une couronne, un sablier,…. En signe d’aveuglement, les danseurs se cagoulent de larges boites, car celui qui ignore les vanités reste dans le noir ésotérico-mystico-philosophique. Il y a une véritable esthétique visuelle dans ce spectacle sans rapport avec la bande-son qu’on aimerait aussi riche que la danse.
- JC Carbonne
Après l’entracte, les spectateurs partent au ciel en Helikopter, qu’on peut traduire sans risque d’erreur par hélicoptère, à l’écoute du vrombissement hypnotique de son rotor et aux fréquences graves de la découpe de l’air par les pâles. Dans la vraie vie, le voyage se fait à l’intérieur de la cabine avec un casque d’atténuation sonore. Là nous voyageons, portes ouvertes et le pilote diffuse en plus une impossible pièce pour violoncelles de Karlheinz Stockhausen. Une femme hurle en allemand le compte à rebours de la déliquescence de l’harmonie. Ce tarmac nihiliste est carrément pénible jusqu’à en rire. Stoïque, tout le gratin du public parisien subit le supplice en serrant les dents, convaincu que l’endurance dont on doit faire preuve doit être égale à la renommée de l’artiste. C’est génial puisque c’est Stockhausen !, tout en rêvant de bouchons de cire à s’enfoncer dans les oreilles.
- JC Carbonne
Heureusement, la danse fait parfois oublier l’animation sonore. Les danseurs et danseuses sont remarquables. Les portées donnent l’illusion de l’envol. Les enchaînements sont magiques comme des tours de passe-passe, les imbrications des corps sont parfaites. Telle main contourne le dos, puis soulève la tête, l’invite à tourner. Cette homogénéité souple et ondoyante est admirable. Les lumières influencées par la présence des corps modifient la cascade lumineuse qui tapisse la scène. C’est beau et intéressant même si cela atténue la lecture des mouvements. Les pieds des danseurs entraînent l’ombre des pales qui tournoient...tournoient...tournoient...jusqu’à l’atterrissage. Applaudissements pour le pilote et son équipage. PNC en coulisses.
A VOIR avec ses écouteurs ! A LIRE sur les corps ! A aimer de toute façon Angelin Prejlocaj et sa compagnie.
A quelques pas de là, l’ensemble inter-contemporain de la cité de la musique aurait bien des merveilles à danser. A quand un inter-ville créatif, Villette-Cité ?
Still Life Pièce pour 6 danseurs (45mn)
Chorégraphie : Angelin Preljocaj
Musique : Alva Noto et Ryuichi Sakamoto Création sonore 79D
Scénographie et costumes : Lorris Dumeille
Lumières : Éric Soyer
Danseurs : Isabel García Lopez, Verity Jacobsen, Émilie Lalande, Cecilia Torres Morillo, Baptiste Coissieu, Redi Shtylla
Assistant, adjoint à la direction artistique : Youri Aharon Van den Bosch
Choréologue : Dany Lévêque
Production : Ballet Preljocaj
Helikopter, pièce pour 6 danseurs (durée 35 min)
Chorégraphie Angelin Preljocaj
Musique Karlheinz Stockhausen
Helikopter Quartet Interprétée par Le Quatuor Arditti
Scénographie Holger Förterer
Lumières Patrick Riou
Costumes Sylvie Meyniel
Galerie Photos
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