Mille deux cent ans avant notre ère, en Anatolie. Le continent est dominé depuis des siècles par les gigantesques cités hittites. Fières, arrogantes, imbues de leur puissance et de leur grandeur passées, décadentes, oublieuses de leurs devoirs sacrés, condamnées. Le messager des dieux parcourt inlassablement la terre des hommes à la recherche de ce qui mériterait d’être sauvé, mais il ne trouve que cœurs froids et pauvres esprits. Sauf une seule fois, une adolescente, une exception. Dix années s’écoulent. Une enfant d’essence divine a été offerte aux hommes. Les Oljords, une tribu de nomades, fidèle aux anciens dieux et respectueuse des traditions, recueille cette petite fille à moitié animale et l’élève comme l’une des leurs. Devenue femme, d’une grande beauté, d’une incroyable puissance, et d’une troublante étrangeté, instrument des dieux dans une époque de chaos, elle ne pourra se soustraire à son aventureux destin.

Derrière une superbe couverture de Civiello, un peu gâchée par une typographie digne d’un vieux comics des années 40, se cache le premier tome d’une série à cheval entre les genres, qui réussira peut-être l’exploit de réconcilier les amateurs de récits historiques rigoureux et les fondus de mythologie. Il s’agit d’abord d’une rencontre : celle d’une historienne, France Richemond, et d’un auteur de fantasy, Nicolas Jarry. L’auteur des remarquées Chroniques d’un guerrier Sînamm [1], et de La citadelle des cendres [2] a su conférer un souffle épique et un rythme enlevé à l’histoire imaginée par la jeune femme, dont c’est le premier ouvrage.
Il en résulte un roman haletant, qui ne sacrifie pas le plaisir de l’action à une réalité historique un peu docte, mais place ses héros dans un contexte rigoureusement documenté qui ajoute à la crédibilité du récit. Bien sûr, il s’agit avant tout d’un livre d’aventures. Les rebondissements sont légion, l’action omniprésente, et les personnages attachants, sans d’ailleurs sombrer dans les caricatures que l’heroic fantasy a souvent, par facilité, trop tendance à produire. On pourra regretter une parfois trop grande légèreté de ton, et quelques retournements de situation un peu faciles, mais l’ensemble se lit avec une passion, et une curiosité grandissantes.
Sphinx devrait convaincre les derniers réfractaires que la fantasy a encore de beaux jours devant elle et peut produire des récits de qualité, bien loin de la littérature de gare à laquelle on a souvent voulu la cantonner.