On dirait le sud
Le 20 octobre 2018
Un discours sur notre époque, nihiliste et alarmiste, toujours plus glaçant, qui relève de l’expérience alternative où le rythme balbutie et la réalité du documentaire questionne.
- Réalisateur : Virgil Vernier
- Acteurs : Dewi Kunetz, Hugues Njiba-Mukuna, Sandra Poitoux, Bruck, Lilith Grasmug
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Documenteur / Found-footage, Drame social
- Nationalité : Français
- Distributeur : Shellac
- Durée : 1h38mn
- Date de sortie : 31 octobre 2018
- Festival : Festival de Locarno 2018
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Résumé : Sophia Antipolis, c’est le nom de ce territoire étrange entre la mer Méditerranée, la forêt et les montagnes. Sous un soleil aveuglant, des hommes et des femmes sont à la recherche d’un sens, d’un lien social, d’une communauté. Ils vont croiser le destin d’une jeune fille disparue.
Notre avis : De jeunes femmes, au demeurant ravissantes mais visiblement sous une influence néfaste, tentent de convaincre un médecin, hors-champ, qu’elles doivent améliorer leur physique. Il n’en faut pas davantage à Virgil Vernier avec ces premières minutes de son nouveau film pour poser le malaise. Le vrai, le faux, tout est là.
- © 2018 Shellac - Photo Thomas Smith - Tous droits réservés
Quiconque s’est déjà frotté au travail de ce cinéaste atypique sait qu’il base tout son travail sur la représentation qu’il veut donner des villes qu’il filme. Et, de cette technopole nichée dans les Alpes-Maritimes, c’est bien ce double sentiment déstabilisant que l’artificialité est omniprésente et que l’aveuglement ne peut entraîner que vers le pire qui a été au centre de son long-métrage, forcément catastrophiste. Le seul concept, proche du documentaire, sur lequel il a bâti sa dramaturgie joue sur cette limite abstraite et place le public dans un trouble déstabilisant. Ce qui a l’air vrai ne l’est pas forcément... et inversement.
- © 2018 Shellac - Photo Thomas Smith - Tous droits réservés
Cette construction alambiquée place les spectateurs dans l’incapacité de déterminer s’il a affaire à un véritable reportage d’investigation sur une ville ou à une fiction qui elle-même fait flirter son intrigue criminelle avec une peinture sociétale à l’acide mais aussi une improbable part de fantastique. Et malgré cette densité thématique pesante, Vernier est parvenu à construire un récit étonnamment assez limpide. L’absence d’enjeu, tel qu’un habitué de polars va déplorer de ne pas en trouver, oriente par défaut la résolution de cette histoire de jeune fille disparue vers une galerie de personnages hauts en couleurs – seuls ceux qui ont précédemment vu Orléans et Mercuriales sont alors en terrain connu. Chacun des habitants de Sophia Antipolis, et leur réaction brutale à ce postulat dramatique, en dit long de la violence, de l’hypocrisie, de la fragilité psychologique... bref, de ce que le réalisateur reproche à ses contemporains. Mais que le spectateur ne jugera pas forcément condamnable, c’est là la limite d’une telle approche qui s’interdit toute emphase.
- © 2018 Shellac - Photo Thomas Smith - Tous droits réservés
Que l’on ne sache pas à quel point cette disparition est tirée d’une histoire vraie ni même si les acteurs amateurs jouent leur propre rôle nous empêche dès lors d’accuser Vernier d’avoir mis au point un pur film de propagande au profit d’une quelque idéologie radicalement fataliste, qui serait qualifiable de moralement éhonté. La platitude formelle avec laquelle il a filmé ce quartier au bord du chaos en arrive à participer à cette difficulté d’en évaluer la part de fiction dans la réalité et donc à affiner, sinon notre jugement moral, au moins notre regard face à cette quête d’une vérité qui apparaît comme littéralement incandescente.
Le résultat est un film hors norme qui amoindrit, au moins formellement et jusqu’à sa conclusion pour le moins énigmatique, la part poétique de son précédent Mercuriales au profit d’un discours toujours plus glaçant sur notre époque. Dommage que le rythme global en souffre aussi car il s’agit d’une expérience qui devrait ravir les amateurs de cinéma qui ose autre chose.
- © 2018 Shellac - Photo Thomas Smith - Tous droits réservés
Sophia Antipolis - Teaser from Shellac on Vimeo.
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