Regarde la mère
Le 29 janvier 2011
Le premier long-métrage d’Ozon est une comédie décalée et joliment perverse qui explore déjà tous les thèmes chers au cinéaste.


- Réalisateur : François Ozon
- Acteurs : Stéphane Rideau, François Marthouret, Évelyne Dandry, Marina De Van, Adrien de Van
- Genre : Comédie dramatique, LGBTQIA+
- Nationalité : Français
- Distributeur : Mars Distribution
- Durée : 1h25mn
- Date de sortie : 27 mai 1998
- Festival : Festival de Cannes 1998

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Résumé : Une famille très classique : un père, ingénieur, une mère partageant son temps entre ses cours de gym et ses séances de psychothérapie, un fils sérieux, étudiant en droit, une fille artiste et une femme de ménage espagnole un peu fofolle. Toute cette harmonie apparente va éclater en morceaux avec l’arrivée d’un personnage inattendu. Un rat.
Critique : Avec ce premier long-métrage, trois ans avant le succès critique et la reconnaissance que lui apporteront Sous le sable, François Ozon signait (déjà) le portrait d’une famille en proie à l’éclatement. La première séquence donne le ton : un père modèle - du moins en apparence - pénètre dans un pavillon bourgeois où il massacre, en hors champ et sur fond de "Joyeux anniversaire", femme, enfants et amis. Début et fin de l’intrigue ? On pourrait le croire si on ne connaissait le goût du cinéaste pour briser les formes elliptiques et déjouer l’attente de ses spectateurs (on se rappelle les dernières séquences de 8 femmes). En l’occurrence la fin de Sitcom, expérimentale et surprenante, ouvre la voie à un conte cauchemardesque qui emprunte, dans sa description de l’horreur absurde, à l’univers de Kafka.
Mais c’est ici sur un mode singulièrement parodique que la cellule familiale est mise à mal. L’absence du père, le coming out du fils, la tentative de suicide avortée de la fille lugubre (brillante Marina de Van) sont autant d’épisodes mécaniques dans ce feuilleton qui s’acharne à déconstruire avec cruauté les petites apparences bourgeoises. Et pourtant, comme dans 8 femmes, il semble que le film ne prenne jamais complètement au sérieux cette déconstruction, instaurant une distance ironique par rapport à ses propres codes. De fait, rien, dans Sitcom, n’échappe à la dérision féroce d’Ozon, pas même son titre parodique (évocation du huis clos, autre motif cher à l’auteur), pas même l’attitude de la mère, incarnée avec beaucoup de finesse par Évelyne Dandry, et qui annonce déjà le talent du cinéaste pour le casting et la direction d’actrices.
Il est vrai que l’ironie féroce de l’ensemble casse parfois l’émotion, que Sous le sable réhabilitera avec talent. La construction de l’intrigue demeure, par moments, assez fragile. Mais il faut reconnaître à Sitcom une atmosphère très personnelle que confirmera la filmographie du cinéaste. C’est là, sans doute, une qualité singulière : le débordement de références qui traverse le cinéma de François Ozon ne contredit jamais son originalité. On reverra en tout cas avec beaucoup de plaisir ce premier film drôle et féroce.