La grande force de Gilles Martin-Chauffier tient dans sa façon d’installer un personnage. Pas de détours, rien d’allusif, mais toujours un brillant résultat. Manipulant la formule qui fait mouche comme d’autres l’AK 47, les personnages de ce Silence, on ment possèdent tous quelque chose qui, à un moment ou à un autre, peut les rendre aussi sympathiques que désagréables. Martin-Chauffier les décortique comme des crevettes pour bien souvent les laisser à nu, jamais avare de ces petits détails qui font la différence. Et l’histoire, finalement, relève presque de l’anecdote. On sent immédiatement qu’elle n’est là que pour servir la galerie de personnages mis en situation.

Alors, de quoi est-il question ? Eh bien, tout d’abord d’un présentateur télé dans le vent, Richard Tessler, terreur des stars, qui n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat pour faire éclater les scandales et grimper l’audimat. Ensuite, d’un joueur de l’équipe de France de foot. Il s’appelle Elgann, est millionnaire et habite dans une cité difficile que Bizet-Descours, le maire PS, a bien du mal à préserver de la délinquance et de l’islamisme sauvage. Moncef, cousin d’Elgann, s’occupe de gérer les affaires courantes du sportif. Entendez par là les contrats publicitaires, les sponsors et autres apparitions télé. Mais Moncef est également celui qui règne sur la cité en seigneur, sous l’œil agacé et impuissant de l’inspecteur Desval. Et puis il y a Delphine, la femme d’Elgann, qui va se jeter dans les bras de Richard pour lequel, Justine, son assistante, est transie d’amour. Bien. Le tableau est dressé.

Dès lors, il n’y a plus qu’à secouer et faire en sorte que les contraires s’attirent. Avec, pour résultat, une avalanche d’hypocrisie, des discours politiquement corrects auxquels personne ne croit, des mensonges à la pelle, de faux témoignages, un prof tabassé et laissé pour mort, des désirs de conquête et un peu de passion. Et quand Martin-Chauffier plonge dans le bain des célébrités parisiennes, il ne porte ni masque ni tuba. Evidemment, on devine d’où vient l’inspiration. Citons en vrac Dominique Strauss-Kahn, Jean-Marie Meissier, Arthur, Nicolas Anelka, Jamel Debbouze, Christine Angot ou encore Thierry Ardisson. Mais Martin-Chauffier n’en finit plus de brouiller les pistes. Il pioche ce qui l’intéresse de la galaxie people et construit ainsi ses personnages, qui en deviennent éminemment romanesques.

Ce roman parle aussi de la société d’en bas, celle qui préoccupe de moins en moins les politiques sauf quand il est question d’échéances électorales. Un récit dans l’air du temps, qui dissèque la société française et qui fait franchement rire. Oui, évidemment, Martin-Chauffier est rédacteur en chef à Paris Match. Et alors ? Si cela l’inspire pour fignoler ses personnages et en tirer une telle matière, personne ne va s’en plaindre.