Signes de vie - la critique du film

Le premier long métrage de Werner Herzog contient en germe toutes les caractéristiques d’une oeuvre dont les maîtres mots sont l’ennui, la solitude, la démesure et l’impuissance.

L’argument : Blessé au front, Stroszek, un jeune soldat allemand, est affecté sur une île à la garde d’un fort. Eloigné des combats, réduit à l’inaction, le conscrit s’astreint à effectuer des tâches inutiles mais nécessaires à son équilibre mental. Bientôt son comportement inquiète les îliens.

Notre avis : Signes de vie est le premier long métrage d’Herzog. Il raconte une histoire d’hommes exilés, prisonniers d’un monde qui n’est pas le leur. Leur principal ennemi est l’ennui. Stroszek a été affecté sur une île grecque pour pouvoir récupérer de sa blessure. Sa jeune femme grecque l’accompagne ainsi que deux camarades. Peu à peu il sombre dans la folie, il s’aliène ses compagnons, tire sur la foule du haut des remparts, illumine le ciel de feux d’artifice. Il y a dans la façon d’Herzog de filmer l’ennui la même grâce qu’on peut trouver chez Sofia Coppola. Il y a de la beauté dans ces scènes d’attente où le temps semble suspendu. On met au point un système pour piéger des cafards, on essaie de déchiffrer des inscriptions sur des stèles antiques, on essaie de transformer des munitions en feux d’artifice, on regarde des bancs de petits poissons tourner autour d’amas de nourriture. Et puis on voit des plans fixes saisissants sur des visages. Le film installe ainsi un climat contemplatif vraiment intéressant.

Tout cela est très beau mais a des allures de mauvais présage. Le temps qui s’arrête c’est la mort. Les vestiges antiques sur lesquels a été construit le fort convoquent ce sentiment de défaite inéluctable. Chez Sofia Coppola l’ennui offre des échappatoires par intermittence. On peut au moins essayer d’aimer. Ici il semble ne pas y avoir d’issue. Stroszek devient fou. Mais est-ce vraiment lui le fou, dans un monde en proie à la guerre ? Difficile de ne pas voir dans ce film une interrogation d’une génération allemande sans repères. C’est une génération désaxée qui jugeait durement sa devancière. Le fou n’est qu’un homme que la réalité étouffe et qui voudrait se réinventer un monde. Il y a du Nietzsche chez Herzog mais en disant cela on n’apprendra pas grand chose aux fans du cinéaste. Solitude, folie, sentiment d’exil, impuissance. Herzog posait dans Signes de vie les bases de son cinéma, comme un avant goût des chefs d’œuvre à venir.