Le 20 janvier 2025
Dans une langue simple et belle, Angela Wanjiku Wamai transcende avec brio les tabous de toute une société africaine, à travers le portrait d’un jeune professeur d’anglais, sortant de prison. Un film important pour celles et ceux qui ont subi des abus sexuels, jamais reconnus par leur communauté d’appartenance.
- Réalisateur : Angela Wanjiku Wamai
- Acteurs : Daniel Njoroge, Muthoni Gathecha, Sam Psenjen
- Genre : Drame
- Nationalité : Kenyan
- Distributeur : Sudu Connexion
- Durée : 1h37mn
- Date de sortie : 22 janvier 2025
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Résumé : Après sept ans de prison, Geoffrey, trente-cinq ans, doit recommencer sa vie à Shimoni. Là, il reste caché dans l’église catholique locale. Puis, un dimanche après la messe, Geoffrey le voit. Le monstre l’a trouvé.
Critique : Il sort de prison. Il a passé sept ans de sa vie derrière les barreaux pour un crime que le scénario tait ingénieusement. On l’attend à la sortie pour le conduire à Shimoni où il est recueilli par un prêtre déterminé à lui assurer une réinsertion sociale durable. Mais le monstre guette. Et ce monstre justement est un homme de pouvoir qui abuse de son autorité et de sa puissance pour abuser de jeunes garçons.
Geoffrey est un jeune homme mystérieux, habité par des silences qu’il ne parvient pas à révéler. Le spectateur pressent bien que derrière le délit qui l’a conduit en prison, c’est toute son histoire de vie qui est en jeu. Car Geoffrey a tué quelqu’un. Autant finalement que son propre récit de vie semble celui d’un homme qui lui-même aurait été broyé par la mort. Le prêtre qui accompagne le jeune protagoniste tente par tous les moyens de réhabiliter son protégé, par le biais du travail, de la rencontre avec celles et ceux qu’il aurait pu blesser. Mais le combat psychologique est rude, exigeant, au-delà peut-être des forces que les personnages de Shimoni convoquent pour trouver un sens à leur existence.
- Copyright Angela Wamai
La réalisatrice Angela Wanjiku Wamai n’y va pas par quatre chemins. Elle met en scène la manière dont les abus sexuels sur des enfants ou des adolescents par des hommes puissants sont pratiqués, dans la stricte hypocrisie de la société kenyane qui refuse l’évidence. Il faut sans doute beaucoup d’audace et de courage pour filmer un tel récit. On se demande d’ailleurs comment elle est parvenue à réunir des fonds suffisants pour crier cette histoire, comme un écho peut-être lointain à son propre cheminement.
Il y a beaucoup de pudeur dans la façon dont la réalisatrice habite sa fiction. Elle use d’un langage cinématographique très dépouillé, loin des clichés d’un certain cinéma africain rempli de musique et fureur. La cinéaste aborde le désarroi intérieur de ses personnages sans jamais sombrer dans le mélodrame exubérant. Le traumatisme est permanent dans le quotidien de Geoffrey qui ne parvient ni à faire reconnaître, ni à faire comprendre le poids qui pèse sur sa vie, tout en supportant la charge du crime qui l’a conduit en prison. En même temps, des personnages superbes comme cette fermière qui lui apprend à extraire le lait des vaches, offre au propos une dimension humaniste, absolument touchante, ou encore cette jeune femme, Riithi, manifestement amoureuse, qui l’accompagne pas à pas.
- Copyright Angela Wamai
Geoffrey est professeur d’anglais. Il est contraint par des travaux manuels qui doivent soutenir son processus de réinsertion. Le film témoigne du poids du jugement, la force du collectif qui peuvent mettre à néant toute tentative de réhabilitation d’une personne. En ce sens, la réalisatrice engage le spectateur à penser une société africaine nouvelle qui permette à la loi de s’opérer et de réparer les parcours de vie traumatisés par des abus de toutes sortes, indépendamment de la morale.
Shimoni, derrière son aspect noir, semble pétri d’espoir pour toutes celles et ceux qui espèrent dans l’humanité un sursaut de paix. La figure du curé qui tente de sauver Geoffrey de ses propres démons en est le meilleur exemple, là où souvent les religieux sont enfermés dans des stéréotypes. La vraie prison dont le héros doit se libérer est celle de son histoire, et ce prêtre emploie les mots et gestes nécessaires au travail de réhabilitation. Le poids du collectif finit par s’estomper au bénéfice de la raison et de la légitimité. À cet esprit, s’ajoute un soin particulier apporté aux images qui donnent à voir des intérieurs de maison ou des bouts de rue peuplés de vie.
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