Le 30 mai 2014
Injustement boudé lors de l’édition 2013 du festival de Cannes, Shield of straw est un polar énergique qui amène le spectateur à s’interroger sur un plan, loin des œuvres trash du cinéma de Takashi Miike qui tient là l’un de ses films les plus aboutis.
- Réalisateur : Takashi Miike
- Acteurs : Tatsuya Fujiwara, Nanako Mitsushima, Tsutomu Yamazaki
- Genre : Drame, Action
- Nationalité : Japonais
- Durée : 2h04mn
- Festival : Festival de Cannes 2013
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Injustement boudé lors de l’édition 2013 du festival de Cannes, Shield of straw est un polar énergique qui amène le spectateur à s’interroger sur un plan, loin des œuvres trash du cinéma de Takashi Miike qui tient là l’un de ses films les plus aboutis.
L’argument : Ninagawa est un puissant homme politique japonais. Sa petite-fille est assassinée et le suspect se nomme Kunihide Kiyomaru. Un homme qui a déjà tué par le passé. Trois mois plus tard, Ninagawa décide de poster des annonces dans trois grands journaux, explicitant qu’il offre une très grande récompense à l’homme qui tuerait ce meurtrier. Craignant pour sa vie, Kunihide se rend à la police. Mais la récompense proposée par Ninagawa attire les foules... Ce qui ne facilitera pas le transfert du prisonnier.
Notre avis : Véritable stakhanoviste de la réalisation, le japonais Takashi Miike est bien plus qu’un metteur en scène de films chocs (Audition, Visitor Q), voire carrément barrés (Ichi The killer, Gozu). La preuve avec Hara-Kiri, son remake très respectueux du chef d’œuvre de Masaki Kobayashi, sorti chez nous en 2011. Depuis maintenant quelque temps, Takashi Miike est considéré comme un cinéaste qui compte parmi ceux du pays du soleil levant.
A tel point que l’on n’hésite plus à lui confier des productions à gros budget.
C’est le cas de ce Shield of straw qui a été produit au Japon par la Warner.
A première vue, il s’agit d’un pur film d’action où des policiers aguerris sont censés protéger l’ennemi public numéro 1, un tueur d’enfants, dont la tête a été mise à prix (sur internet, comme quoi, on n’arrête pas le progrès) par le grand-père fortuné d’une des victimes. Le suspense ne tient pas à l’arrestation du meurtrier puisqu’il se livre directement à la police ; il est bâti sur la notion de justice, sera-t-il encore en vie jusqu’à son transfert à Tokyo pour que sa sentence puisse être prononcé, au détriment de la vendetta personnelle. Car de nombreuses personnes veulent sa peau et le danger est omniprésent, même dans des lieux que l’on soupçonnerait pas et qui donnent naissance à des scènes particulièrement captivantes. Mené tambour battant, Shield of straw contient son lot de moments d’action savoureux, variant les cadres, une autoroute, un train, en rase campagne, un hôpital. Miike soigne particulièrement sa mise en scène, ce qui améliore la lisibilité et l’efficacité des scènes d’action, d’autant que les moyens matériels sont importants, pour aller vers un spectacle total.
Cela étant, si ce polar contient des séquences d’action énergiques et spectaculaires, c’est la teneur psychologique qui lui confère un cachet particulier, interpellant le spectateur dans ses paradoxes moraux. Shield of straw se recentre progressivement sur un dilemme moral. Est-il justifié de mettre sa vie en danger pour protéger un individu ignoble dont la culpabilité ne fait aucun doute ? A la différence de certains films qui révèlent une évolution du “méchant”, Takashi Miike n’essaie nullement d’amadouer le spectateur. Son ennemi public numéro 1 demeurera une ordure jusqu’à la fin.
Ce dilemme est particulièrement présent chez les policiers qui sont tiraillés entre d’un côté la volonté de faire leur travail au nom de la justice, de faire honneur à leur métier et d’un autre côté, qui ne sont pas franchement enthousiastes à l’idée de défendre la fange de l’humanité. Le titre du film prend ainsi tout son sens.
Sans compter que ces policiers sont eux-mêmes confrontés à leurs propres démons. Le personnage principal a du mal à faire le deuil de son passé familial. Même si cela est moins prégnant que dans d’autres films de Miike, Shield of straw traite tout de même de manière sous-jacente de l’implosion de la famille. Et puis comme si cela ne suffisait pas, il y a la question de l’argent, qui s’insinue dans la tête de chacun, y compris des policiers. Celui qui tuera l’ennemi de la nation empochera un joli chèque d’un milliard de yens. Dès lors, au-delà des motivations très différentes des personnages du film, il y a cette notion d’argent qui pervertit tout, des basses aux hautes sphères.
Pas forcément connu pour faire dans la finesse, Takashi Miike livre pourtant ici une œuvre d’une grande cohérence et certainement l’un de ses films les plus aboutis. Il joue avec le doute et les contradictions de chacun, floutant la frontière entre justice et légitime vengeance. Comment agirions-nous si on devait être à la place des policiers chargés de la défense de ce tueur d’enfant ? La fin nihiliste de Shield of straw laisse le spectateur libre de penser ce qu’il souhaite. A la différence de nombreux revenge movies, ce long métrage de Takashi Miike, radical, est irréprochable dans son fond.
Dommage que Shield of straw ne puisse pas connaître la gloire du grand écran...
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