Seul dans Berlin - Vincent Perez - critique

Critique : Vincent Perez, dont c’est le troisième long-métrage en tant que réalisateur, avait prévu d’interrompre sa carrière de cinéaste après Peau d’ange en 2002 et si j’étais toi en 2007. Mais enthousiasmé par la lecture du roman éponyme de Hans Fallada, inspiré de l’histoire vraie d’Otto et Elise Hampel, rebaptisés ici Quangel, il décide d’en faire l’adaptation. Il lui faudra presque dix ans pour parvenir à ses fins, ce qui nous fait d’autant plus regretter le peu d’envergure de son œuvre.
Le thème de la souffrance des Allemands (qu’il ne faut pas confondre avec les nazis) et de la résistance antinazie au sein même du pays, au cours de la Seconde Guerre mondiale, a rarement été abordé au cinéma. Son aspect dramatique pouvait nous laisser espérer de beaux moments d’intensité.

Copyright Marcel Hartmann - X Verleih

En mai 1940, Berlin se réjouit de sa victoire sur la France. La ferveur nazie est à son apogée mais bien éloignée de l’arrogance du Reich, existe aussi toute une population écrasée par la misère et la terreur que nous découvrons à travers la vie de l’immeuble situé au 55 rue Jablonski à Berlin. Quand la conscience de l’absurdité de la guerre et bien plus encore de l’ignominie du régime en place devient trop forte, la révolte gronde et avec elle le besoin irrépressible de dénoncer, à n’importe quel prix, ce système répressif. Le film nous mettant en présence de malheureux, condamnés au pire à subir, au mieux à n’agir qu’en secret, il ne saurait être question d’actions d’éclat ou de personnalités charismatiques.

Copyright X Verlieh - Christine Schröder

Néanmoins, il n’était pas nécessaire de s’en tenir aux faits au point de vider les personnages de toute consistance et de ne laisser aux comédiens que quelques répliques à la banalité déconcertante. La talentueuse Emma Thompson affirme que plusieurs scènes ont été éprouvantes à tourner tant l’émotion était palpable. On ne peut que regretter qu’une mise en scène, dépourvue de toute originalité, ne nous permette pas d’y avoir accès. Des incohérences patentes (le temps d’une scène surréaliste, Elise Quangel, résistante déclarée, se positionne brusquement comme une fervente adhérente au régime nazi sans que l’on ait droit à une explication sur ce revirement soudain et éphémère) achèvent de nous détourner de l’intérêt de ce récit sans consistance. Pour couronner le tout, dans ce Berlin vieillot aux couleurs sépia mais immédiatement identifiable comme étant une ville allemande de la dernière guerre, tout le monde s’exprime en anglais. Un dernier coup de massue à une crédibilité déjà bien entamée.
Victime de sa trop grande sagesse face à un sujet si brûlant Seul à Berlin risque de se retrouver bien seul dans les salles de cinéma.