Critique : Comme dans La Distance paru en 2017, Alexandre Steiger aborde, à travers ce second roman, le thème de l’industrie du cinéma. Le héros de ce récit, Antoine Taupin, fait une véritable fixation sur l’acteur Bill Murray (ainsi que le laisse pressentir le titre) et se retrouve presque contre son gré mêlé à la réalisation d’un film au scénario délirant. Cinéaste démodé, il participe à ce projet dans l’unique but de se rapprocher de son acteur fétiche, qu’il croit avoir aperçu plus tôt, à la sortie du Picard de Villejuif. Par la même occasion, Alexandre Steiger dresse un portrait cruel de l’industrie du cinéma, qu’il va même jusqu’à comparer à un régime autoritaire, fonctionnant selon un système de castes, dans lequel les anonymes n’ont aucune chance de réussir, le tout avec beaucoup d’humour et de dérision.

Mais c’est aussi un roman sur la solitude. Celle d’un être sentimentalement brisé, qui ne se relève pas d’une séparation amoureuse et qui se laisse aller à sa dépression avec enthousiasme. Le protagoniste partage, tout au long du roman, sa vision hautement cynique de l’existence et de l’espèce humaine. C’est l’histoire d’un individu désespéré qui pense apercevoir Bill Murray à la sortie de Picard, l’histoire d’un homme seul qui ne croit plus en rien, si ce n’est en l’espoir de reconquérir un jour la femme de sa vie. Il s’agit du récit hilarant d’un délire psychotique - à moins que Bill Murray ne séjourne vraiment à Villejuif...

Ce texte est encore une jolie pépite des éditions Léo Scheer, hélas confidentielle en cette rentrée littéraire 2020, dominé par les blockbusters de la littérature. Ce bol d’air frais bien mérité en ces temps troubles se lit d’une traite, pour rire et se morfondre sur la vacuité du monde moderne.