Cannibal Holocaust
Le 4 septembre 2016
Ulrich Seidl continue son dézingage des êtres humains, cette fois en observant comment la mort peut servir de terrain de jeu à quelques vacanciers fortunés. Banalité du quotidien terrifiante, toujours filmé avec sagacité et férocité.
- Réalisateur : Ulrich Seidl
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Autrichien
- Durée : 01h31mn
- Date télé : 26 décembre 2016 20:55
- Chaîne : TF1
- Festival : Festival de Venise 2016
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Mostra de Venise - hors compétition
Résumé : Afrique. Dans les grandes étendues sauvages, où zèbres, gnous, guib harnaché, impalas et autres créatures paissent par milliers, ils passent leurs vacances. Ils, ce sont des touristes allemands et autrichiens conduisant à travers la brousse, à l’affût pour traquer leurs proies. Ce derniers tirent, sont émus jusqu’aux larmes et posent avec les animaux qu’ils viennent d’abattre. Un film de vacances sur la mort, Un film sur la nature humaine.
Notre avis : Ulrich Seidl dézingue le genre humain avec un nouveau documentaire édifiant. Le cinéaste autrichien filme des compatriotes vacanciers comme les autres ou presque - c’est là toute l’épouvante. En Namibie, ces derniers séjournent dans un Lodge où l’hôte permet moyennant une somme d’argent rondelette de s’adonner à un petit plaisir que l’on pensait depuis longtemps révolu : le safari sur le mode colonial, avec tout l’attirail et les trophées inhérents à la clé. Le touriste choisit l’animal de son choix dans un catalogue - gnou, girafe, élan, etc. -, puis un guide l’emmène jusqu’à l’endroit idéal pour abattre la bête. Calibre, vitesse de propagation des balles dans l’air, chaque détail compte pour ne pas (trop) abîmer sa proie au moment de l’abattre. Et pour cause : la photo souvenir avec le cadavre encore chaud doit pas choquer le chaland. Rien n’a changé au fond depuis le début du XXème siècle sinon que l’appareil servant à prendre la photo est un smartphone.
Sans aucun commentaire - sinon quelques questions non audibles auxquelles répondent les vacanciers -, Ulrich Seidl trace un portrait sans concession du monde contemporain. La photographie esthétisante de Wolfgang Thaler, qui placent les hommes dans le cadre comme s’il s’agissait de simples motifs d’une tapisserie, contribue aussi pour beaucoup au regard cynique du réalisateur. Manière de souligner que cette réalité fait partie d’un décor. Face caméra, les touristes revêtus de vêtements de colons évoquent leur plaisir d’oter la vie la larme à l’oeil, se confondent en admiration en abordant l’instant précédant le tir, parlent des animaux qu’ils aimeraient le plus tuer. "Un lion, un éléphant", disent-ils. Il y a comme une dynamique de fantasme, de sexualité détournée dans cette monstruosité. "Tuer les animaux permet de les préserver des maladies et d’assurer leur propagation", se dédouane un jeune homme. "Haïl to the hunter", déclare béât le mari à son épouse après que cette dernière ait abattu un élan. Il serait intéressant de connaître dans quelles conditions la famille filmée a accepté les modalités du tournage et la diffusion de son contenu.
Si voir un zèbre ou une girafe mourir sous les balles de vacanciers peut troubler, le traitement que ceux-ci réservent aux namibiens leur servant de guides ou les débarrassant des carcasses va plus loin encore. "Les noirs courent plus vite que nous, lorsqu’ils veulent", déclare l’une. "Ils sont serviables", note l’autre. Ou quand le darwinisme social fait encore des émuls. L’ennui, comme le rappelle en silence une série de plans fixes féroces, est que les Namibiens opprimés par ce dispositif - que leur gouvernement tolère les yeux fermés - vivent dans des maisons de tôle, ne disposent que d’un petit feu et de quelques morceaux de carcasses de touristes à ronger en guise de dîner, lorsque les propriétaires terriens les exploitant daignent leur céder. À l’heure où l’extrémisme des Jörg Haider et consorts a pris une importance cruciale en Autriche, le miroir que tend Seidl n’est évidemment pas sans arrière pensée.
Plus généralement, sa démarche se veut également pédagogique. Dans notre société vampirisée par la télé-réalité, le metteur en scène en propose une autre cette fois non scénarisée. Où nos contradictions sautent aux yeux avec une violence radicale. Comme ces moments où les chasseurs s’endorment dans la cabane qui leur sert de camouflage. Ou ces autres dorant au soleil le catalogue de prix des mises à mort en guise d’ombrelle. Comme toujours avec Ulrich Seidl, la question n’est pas de savoir si ce que l’on voit nous procure du bien ou non, le réalisateur cherchant évidemment à dégoûter et à révolter. Mais cette rancoeur générée à la fin du documentaire peut raviver l’engagement de chacun. Faire en sorte de ne pas percevoir notre planète comme un lieu en sursis où l’espèce humaine survivrait fatalement à toutes les autres, et où abréger la vie des autres epèces partirait d’un constat logique. Qu’Ulrich Seidl et son pessimisme, néanmoins, croit vraiment à une possible rééducation de l’espèce humaine, rien n’est moins sûr.
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