Rouge éclipse T.1 - La chronique BD

Dès le début, Rouge éclipse est un manga qui saute à pieds joints dans l’histoire et l’action. Pas le temps de trop présenter les personnages (les détails viendront plutôt au fur et à mesure de l’histoire), que déjà l’intrigue prend le pas : Ayumi est une jeune fille populaire d’une classe de seconde d’un lycée japonais (mais bien évidemment, cela pourrait être n’importe quel lycée du monde...), qui vient d’apprendre qu’elle va enfin sortir avec le petit copain de ses rêves, doit décrocher son téléphone. Au bout du fil, une fille mise à l’écart, au physique ingrat de l’adolescence, et qui souhaite qu’elle soit témoin de son suicide. Sauf qu’en basculant dans le vide, Ayumi voit son esprit transporté dans le corps de Zenko, et se réveille à l’hôpital. Plus rien ne sera plus comme avant pour elle... Évidemment, l’échange de corps, et surtout de perspective, est une excellente idée dans un contexte comme l’adolescence. Ce basculement intervient donc très tôt dans l’histoire, et petit à petit des détails vont enrichir les deux personnages : leurs meilleurs amis, amoureux, parents sont entrevus souvent brièvement, mais les informations ne doivent pas échapper au lecteur, elles resserviront à chaque fois par la suite. Une course pour récupérer son corps va alors s’engager pour Ayumi, car elle va rapidement apprendre que ce changement de corps n’est pas accidentel, mais que des personnes semblent au contraire maîtriser une telle magie. Dès la fin de ce premier album, l’initiation est révélée, avec tout son mysticisme et ses problèmes...

© Akata

Une entrée à cent à l’heure, un rythme endiablé mais très sympathique. Les dialogues ne sont heureusement pas légions, les pensées de la jeune héroïne sont avant tout mises en valeur : en effet, lorsque l’on est impopulaire, on n’a pas grand monde à qui parler. Ce mal-être est donc parfaitement mis en lumière, voire exorcisé, et l’intervention de la magie, ou même la reconnaissance par le meilleur ami arrivent peut-être trop tôt dans l’histoire. Laisser un peu de temps pour voir s’il est possible de s’adapter, d’entrevoir nombre de situations embarrassantes dans le milieu scolaire pour quelqu’un de solitaire aurait été très intéressant. Du coup, priorité à l’action et au déroulement de l’intrigue, car Zenko va se révéler un adversaire plutôt qu’une victime. Vers le milieu du manga, c’est aussi sur elle que va se concentrer un narrateur omniscient, capable de lire également ses pensées. Cette dualité rend l’histoire d’autant plus active qu’elle exploite totalement ce double point de vue, mais semble trop directement se resserrer sur l’antagonisme entre les deux jeunes filles d’un point de vue magique, et moins social que prévu.

© Akata

Les éditions Akata, et l’auteur Shiki Kawabata signent donc une entrée en matière percutante, rythmée et entraînante de la vie chamboulée d’une jeune lycéenne populaire. Une version plus adolescente et moins angélique de la série Drop Dead Diva en somme.