Le 8 mai 2021
Avec ce polar aux allures de drame social, Arnaud Desplechin s’aventure dans un nouveau registre et offre à Roschdy Zem l’un de ses plus beaux rôles.
- Réalisateur : Arnaud Desplechin
- Acteurs : Roschdy Zem, Sara Forestier, Léa Seydoux, Philippe Duquesne, Antoine Reinartz
- Genre : Thriller, Drame social
- Nationalité : Français
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h59mn
- Date télé : 30 janvier 2024 22:24
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Date de sortie : 21 août 2019
- Festival : Festival de Cannes 2019
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Résumé : Roubaix, une nuit de Noël. Le commissaire Daoud sillonne la ville qui l’a vu grandir. Voitures brûlées, altercations. Au commissariat vient d’arriver Louis Cotorelle, fraîchement diplômé. Daoud et Louis vont faire face au meurtre d’une vieille dame. Deux jeunes femmes sont interrogées. Claude et Marie. Démunies, alcooliques, amoureuses.
Critique : Arnaud Desplechin, spécialiste du romanesque et émissaire du cinéma français d’auteur, se lance dans la chronique policière. Voilà qui a de quoi aiguiser la curiosité. Souhaitant se démarquer de son précédent long-métrage Les fantômes d’Ismaël, il s’inspire du documentaire de Mosco Boucault Roubaix, commissariat central, affaires courantes qui met en en scène le quotidien d’une institution policière, et revient dans sa ville natale, autrefois capitale de l’industrie textile devenue désormais l’une des villes les plus pauvres de France avec 75% de son territoire classé en zone sensible et 43% de la population vivant sous le seuil de la pauvreté, pour rendre compte de la vie de ses habitants. Peu importe les chiffres, car ce qui intéresse vraiment Desplechin, c’est de décrire, à travers ces personnages englués dans une misère crasse, une facette de la société de son temps.
- Copyright Shanna Besson
Le récit prend tout d’abord la forme d’un documentaire, pour nous immerger au cœur du quotidien de ces policiers confrontés aux mensonges des uns, aux bassesses des autres, à la misère humaine dans tous les cas. La longue liste des tentatives de fraude à l’assurance, de la goguenardise des voyous qui s’accusent mutuellement, des bagarres familiales, des plaintes pour viols, des fugues d’adolescente, des incendies criminels, nous promet de coller au plus près de la réalité, en compagnie de deux flics que tout oppose.
- Copyright Shanna Besson
Aucun de ces faits divers ne peut ébranler le calme du commissaire Daoud, cet homme posé, somptueusement incarné par un Roschdy Zem, tout de dignité et de réserve, qui ne se laisse jamais envahir par le doute ou la colère, pour qui seule compte la recherche de la vérité et le respect dû à tous ceux qui franchissent les portes de son commissariat, qu’ils soient victimes ou coupables. Ayant grandi dans cette ville qu’il a vu se paupériser, désormais seul (sa famille est repartie en Algérie et son neveu, actuellement en prison, le hait), il sait démêler le vrai du faux, identifier ceux qu’il croise et partager leur humanité. Louis (Antoine Reinartz), un jeune lieutenant nouvellement promu, nous ramène à la figure classique du policier maintes fois exploitée dans les fictions ou séries télévisées. Il manque d’expérience et de repères. Il se réfugie souvent dans la prière, mais ne sait plus à quel saint se vouer dans ce paysage qui lui est étranger. Malgré sa bonne volonté, il se trompe sans cesse sur l’attitude à adopter.
Puis, la découverte du corps d’une femme âgée imprime une toute autre tonalité à la narration. Cette vieille dame a visiblement été empoisonnée chez elle, à deux pas d’une cour où a été allumé un incendie il y a quelques jours et où vivent Claude et Marie (Léa Seydoux et Sara Forestier), deux jeunes femmes marginalisées.
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Hésitant alors entre réalisme et allégorie, se tenant à distance de la noirceur qu’elle décrit, l’intrigue se contente de dérouler à l’envi une litanie d’interrogatoires, de contre-interrogatoires, de confrontations entre les deux suspectes, lestée d’une somme de détails et de retours en arrière qui finissent par surcharger le sujet. Reste cependant le plaisir d’assister à la prestation grandiose de ce commissaire hors du commun (une fois encore, la stature et le talent de Roschdy Zem n’y sont pas pour rien) qui, en réveillant patiemment la lueur d’humanité qui sommeille en chacune des accusées, provoque des aveux émouvants, obtenus sans violence et dans le respect le plus total, permettant du même coup à Sara Forestier de retrouver le niveau de justesse qu’elle avait atteint dans son rôle de mère dépassée dans le film d’Emmanuelle Bercot, La tête haute.
S’il déroutera sans doute les plus fidèles admirateurs de Desplechin, Roubaix, une lumière est un film envoûtant, essentiellement éclairé par la prestation toute en sobriété et en humanité d’un Roschdy Zem au sommet de son art.
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