Mémoires d’une mère
Le 16 décembre 2018
Convoquant aussi bien Fellini que Béla Tarr, Alfonso Cuarón signe une oeuvre magistrale.
- Réalisateur : Alfonso Cuarón
- Acteurs : Marina de Tavira, Yalitza Aparicio, Diego Cortina Autrey
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Américain, Mexicain
- Distributeur : Netflix
- Durée : 2h15mn
- Date télé : 14 décembre 2018 00:00
- Chaîne : NETFLIX
- Date de sortie : 14 décembre 2018
- Festival : Festival de Venise 2018
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– Récompense : Lion d’Or à la Mostra de Venise 2018
– Diffusion sur Netflix à partir du 14/12/2018
Résumé : Dans les années 1970 à Mexico, la jeune et timide nourrice Cleo est le lien qui unit une famille de la classe moyenne qu’elle chérit et protège.
Notre avis : La Roma, ce quartier chic au cœur de la cité historique de Mexico, n’était vraisemblablement pas, au moins au début des années 70, un endroit calme. Ce n’est en tous cas pas le souvenir que semble en garder Alfonso Cuarón, 45 ans plus tard. Tel qu’il nous décrit le foyer dans lequel il a grandi, le tumulte extérieur semble continu, tandis que le calme règne à l’intérieur de ce grand pavillon, qui apparaît alors comme un refuge réconfortant. Du haut de ses 56 ans, la peinture que le réalisateur a tenu à faire de ce cocon familial est avant tout pour lui l’occasion de se perfectionner dans l’art de plonger le spectateur dans un récit frugal, tel qu’il nous en a déjà fait profiter dans Gravity. A l’exact opposé du vide spatial et de son inquiétant silence mortifère, c’est donc cette fois, avec une surabondance, tant de bruits hors-champ que de petits détails à l’écran, que Cuarón nous a cette fois confirmé son talent en la matière. Et la somme de tous ces éléments, qui nous renvoient à une réalité bouillonnante en parfaite rupture avec le caractère onirique de la mise en scène aérienne, forme un tout envoûtant.
Coulisses du film Roma - Photo by Carlos Somonte
En plus du pouvoir immersif du mixage sonore remarquable –une expérience sensorielle dont les spectateurs qui découvriront Roma sur leur téléviseur ne pourront certainement pas pleinement profiter–, le travail formel qui caractérise ce film est évidemment la beauté de ses images en noir et blanc qui participent pour beaucoup au sentiment de mélancolie qui s’en dégage. Un sentiment au demeurant loin de l’insouciance auquel se rattache habituellement les souvenirs enfantins. Et pourtant, dès le plan d’ouverture (en écho duquel le final prend tout son sens), qui ne laisse apercevoir, par reflet interposé, qu’une très légère ouverture sur le ciel, tandis que le rythme s’étire sur un mouvement qui se répète, le ton est donné. En effet, le parti pris de Cuarón est de prendre le point de vue de l’une des deux femmes de ménage de cette famille aisée pour nous faire observer de l’intérieur leur quotidien. Les petits gestes routiniers, pouvant être dégradants, et l’affection que les quatre gamins portent à cette femme soumise alimentent ainsi toute la première partie du long-métrage, construit sur un rythme contemplatif qui permet, subtilement, d’alimenter la charge émotionnelle de certains passages qui émergent sans qu’on les voit arriver.
- Copyright Netflix / Carlos Somonte
Le drame mis en parallèle de ces deux femmes abandonnées, la camériste et son employeuse, a beau ne développer pleinement que le premier des deux, il permet surtout de renvoyer à la thématique de la maternité, omniprésente dans la filmographie de l’auteur. Et tandis que la grossesse non désirée de cette servante si attachante devient le principal enjeu du film, la narration s’extirpe peu à peu des endroits qui tiennent profondément à cœur à Cuarón (sa maison mais aussi une salle de cinéma à laquelle il rend un bel hommage) pour nous offrir quelques bribes pleine de poésie, d’humour, mais aussi de tensions, de son pays natal. L’une des plus belles d’entre elles est sans doute la scène d’incendie de feu de forêt qui vient gâcher une fête de famille embourgeoisée et pleine d’insouciance.
Mais, plus encore, la réussite la plus vertueuse d’Alfonso Cuarón est de ne tenter à aucun moment de transformer ce récit intime en une grande fresque picturale poseuse, gardant jusqu’au bout comme unique moteur l’humilité propre à cette volonté de s’inspirer de ses propres souvenirs. Ainsi, la maestria de sa mise en scène n’apparaît jamais comme un artifice, mais réussit au contraire à rendre les tourments des personnages plus authentiques et donc plus intenses. Pour cette sincérité, cette virtuosité, mais aussi pour les beaux clins d’œil cinéphiles qu’ils permettent à Cuarón de glisser, on peut affirmer que le Lion d’Or était grandement mérité.
- Copyright Netflix / Carlos Somonte
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