Le 9 mai 2024
Dans ce premier roman, Nicole Flattery gratte la couleur des sérigraphies d’Andy Warhol et dévoile le sordide qui se cache derrière, le mal-être et la féminité déchirée entre conformisme et rébellion.


- Auteur : Nicole Flattery
- Editeur : Editions de l’Olivier
- Genre : Roman
- Nationalité : Irlandaise
- Traducteur : Charlène Busalli
- Titre original : Nothing Special
- Date de sortie : 10 mai 2024
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur

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Résumé : Mae, dix-sept ans, vit avec sa mère et le compagnon de celle-ci. En attendant que la vie commence, elle déambule dans New York, obsédée par les escalators et les rencontres de hasard. Nous sommes dans les années soixante, une nouvelle génération découvre le rock, la pop et la liberté. Mae trouve un petit boulot de dactylo dans un immense loft de la 47e Rue, qui n’est autre que la Factory, le studio d’Andy Warhol. Elle et sa nouvelle amie Shelley y retranscrivent les conversations qu’entretient le maître avec ses égéries. Mais l’excitation des débuts laisse rapidement place à l’ennui et aux désillusions.
Critique : Dans ce premier roman, l’Irlandaise Nicole Flattery convoque le New-York des années 1960, des paillettes et de la drogue, des dactylos et d’Andy Warhol. Celui-ci apparaît entre les lignes, voix dictatoriale qui impose et soumet, maigre silhouette qui se découpe sur les murs argentés de l’atelier. Mae, la narratrice, ne lui parle jamais directement, petite main qui exécute les basses besognes, secrétaire retranscrivant le contenu sinistre de cassettes audio – confidences volées, mal-être avoué, geignement et conversations gênantes qui révèlent les personnalités entourant l’artiste. Mae les connaît bientôt par cœur, mieux que les hommes et les femmes qui peuplent sa propre vie de lycéenne ayant quitté prématurément les bancs de l’école, inspirée de l’une des employées de bureau recrutée par Warhol pour donner une existence écrite à a : A Novel. Son existence lui semble de plus en plus vide alors qu’elle écoute ces voix, s’imprègne de ces atmosphères glaçantes que le lecteur ne perçoit qu’à travers les impressions et les désillusions grandissantes de la narratrice, encore adolescente, toujours pleine de contradictions, fébrile et sûre d’elle comme seules savent l’être les filles de cet âge incertain – sûre de vouloir emprunter un chemin inverse à celui de sa mère alcoolique et serveuse depuis toujours, à celui de son beau-père trop gentil et trop fidèle, à celui de sa nouvelle amie et collègue dont l’apparence si soignée qu’elle en est austère contredit ses désirs.
Avec ce roman d’apprentissage, Nicole Flattery gratte le vernis des sixties new-yorkaises, leur lustre, et révèle le sordide, le métro de nuit, les égratignures sur les mains qui tapent à la machine toute la journée, les désirs inavouables. Elle semble emprunter la même voix qu’Emma Cline pour raconter une féminité en pleine formation, cabrée contre les carcans auxquels elle s’empresse pourtant de se conformer. Dans les premières pages, Mae a une soixantaine d’années et son cynisme mélancolique est toujours là, quoique dénué de la fraîcheur de sa jeunesse enfuie.
Nicole Flattery - Rien de spécial
L’Olivier
140 × 205 mm
304 pages
22,50 €