Une maison à la campagne
Le 17 mars 2014
Dutronc et Huppert dans le dernier film à la beauté vénéneuse de Jean-François Adam.
- Réalisateur : Jean-François Adam
- Acteurs : Isabelle Huppert, Bruno Ganz, Jacques Dutronc, Jean-François Adam, Christian Rist, Aline Bertrand, Rodolphe Schacher, Axelle Bernard, Irina Grjebina
- Genre : Drame, Policier
- Nationalité : Français
- Distributeur : S.N. Prodis
- Durée : 1h38mn
- Date télé : 29 juillet 2024 21:05
- Chaîne : TV5 Monde
- Reprise: 19 janvier 2006
- Date de sortie : 2 mai 1979
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– Scénario : Jean-François Adam, Jean-Claude Carrière, Benoit Jacquot et Georges Perec
– Producteur : Benjamin Simon
Résumé : Pour retrouver, Jeanne, son épouse, Julien, obscur pianiste, n’hésite pas a se débarrasser d’un ami qu’il a manipulé. Il s’arrange pour que le nouveau mari de sa femme soit accusé du meurtre. Tout le monde, et en particulier le commissaire chargé de l’enquête, n’est pas dupe.
Critique : Assistant réalisateur pour Robert Enrico, Truffaut (La peau douce) ou Melville (Le deuxième souffle ; L’armée des ombres), acteur chez Truffaut ou Pialat (Passe ton bac d’abord), metteur en scène de théâtre à plusieurs reprises, Jean-François Adam (1938-1980) n’a réalisé que trois films : M comme Matthieu (1970) et Le jeu du solitaire (1975), tous deux interprétés par Sami Frey ; puis ce Retour à la bien-aimée salué par la critique lors de sa sortie en mai 1979 mais dont la carrière en salles fut modeste, la mélancolie qui l’imprègne n’étant sans doute pas de nature à attirer les foules.
Le décor suggestif, mystérieux, d’une grande maison de campagne (trouvée à Monsoult, près de Paris), les couleurs froides de la magnifique photo atmosphérique (couleurs du temps) de Pierre Lhomme, la musique de Schubert ainsi qu’une somptueuse partition d’inspiration mahlerienne signée Antoine Duhamel, l’attention à l’espace sonore (le bruit du train qui couvre le coup de feu, les conversations qu’on entend à travers une porte fermée) contribuent grandement à donner un charme vénéneux, mortifère à cette histoire de machination tellement parfaite qu’elle en devient trop visible et ne saurait tromper personne, en tous cas ni le commissaire de police cauteleux joué par Adam lui-même, ni l’ex-épouse à la fois effrayée et fascinée.
Car il est évident dès le départ que le personnage de Julien, ancien pianiste de concert que l’on voit dans la scène d’ouverture accompagner gauchement un modeste cours de danse, a perdu pied avec le réel et que sa tentative de ressusciter le monde perdu de l’enfance (celui de la vaste demeure familiale) en même temps que l’harmonie brisée d’un couple idéalisé par le souvenir se déploie dans un univers romanesque de rêve éveillé, de cauchemar feutré (tout marche trop bien) que le petit Rodolphe Schacher (Thomas) observe avec une gravité et un sérieux imperturbables.
En dirigeant son étonnant jeune acteur, Jean-François Adam a su se souvenir de la leçon d’un Lang (Moonfleet) ou d’un Laughton (Night of the Hunter). Mais il a su aussi obtenir le meilleur de Bruno Ganz (Kern, le mari), de l’énigmatique Christian Rist (Keller, l’acolyte sacrifié sans états d’âme), d’une Huppert figée dans un masque de poupée mais pourtant troublante (son personnage n’est que revirements brusques, passant du non catégorique au finalement oui) et surtout d’un Dutronc prodigieux faisant de Julien un rêveur obstiné au machiavélisme candide (ses grands yeux effarés quand Jeanne lui dit non).
La légère distance et la touche d’humour qui exacerbent la tristesse de ce film apaisé et fébrile, glacial et brûlant, ne font qu’amplifier sa sombre beauté.
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