Grises mines
Le 20 mars 2020
Au cœur d’une ancienne cité minière, l’odyssée d’un type qui revient pour régler ses comptes. Un roman sans fausses notes aux allures de tragédie antique, qui retourne le ventre et prend à la gorge.
- Auteur : Tawni O’Dell
- Editeur : Belfond
- Genre : Roman
- Nationalité : Américaine
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Critique : Coal Run, c’est la "ligne du charbon", un petit bled paumé de Pennsylvanie, traumatisé par l’effondrement d’une mine un matin de 1967. Comme tous les jours, Ivan se penche à la fenêtre de sa chambre pour regarder partir son père au boulot. Sauf qu’il ne le verra jamais rentrer, comme des dizaines d’autres mineurs de Coal Run. Désormais sa mère devra s’en tirer seule et faire de son mieux pour élever Ivan et Jolene, sa petite sœur. L’évocation de ce souvenir sert de prologue. Mais déjà, on sent à quel point l’écriture de Tani O’Dell vibre d’émotion et de sensibilité.
Ivan disparaîtra pour mener sa vie, comme on dit. Adolescent, il connaîtra le succès comme joueur de foot mais un accident va l’obliger à renoncer à sa carrière. Le début du laisser-aller, de la plongée dans l’alcool et de la résurgence des souvenirs. Un beau matin, il décide de rentrer à Coal Run. C’est là qu’on le retrouve, faisant office de shérif adjoint. Personne ne comprend très bien les raisons de son retour, personne ne sait pourquoi il a été choisi pour faire ce boulot. Personne, sauf lui évidemment, qui rumine son passé sous les yeux effarés de sa sœur, chez qui il squatte quand l’excès d’alcool ne l’oblige pas à s’endormir dans sa voiture.
Les habitants de Coal Run, Ivan les connaît. Ce sont tous d’anciens camarades d’écoles, des fils ou filles de, des gens à qui, à un moment ou un autre, il a eu affaire. Avec qui de véritables liens se sont noués, avec qui il partage quelques secrets. Et son retour, à quelques mois de la libération de Resse, emprisonné depuis qu’il a cogné sa femme Crystal, n’a rien d’innocent.
Dire que Tawni O’Dell est excessivement douée pour instaurer un climat et vous tordre les tripes est presque en dessous de la vérité. Elle nous plonge dans les délices de l’enfer, au royaume des brutes et des paumés, nous immerge dans les consciences les plus sales, là où les âmes sont encore plus sombres que le paysage. Elle plante sa plume dans les veines du désespoir pour construire des dialogues d’une justesse absolue. Ce roman sent la sueur, l’amertume, la résignation et le désespoir. Tawni O’Dell avait ébloui avec Le temps de la colère, son premier roman. Elle confirme ici tout son talent. Poignant.
Tawni O’Dell, Retour à Coal Run (Coal Run, traduit de l’américain par Bernard Cohen), Belfond, 2004, 355 pages, 19,80 €
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