Harley cœur à vif
Le 20 mars 2020
Un premier roman coup de poing qui plonge dans les profondeurs abyssales de la misère et les secrets de famille les plus monstrueux. Le désamour en héritage...


- Auteur : Tawni O’Dell
- Editeur : Editions 10-18
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Américaine

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Critique : C’est une histoire comme seule l’Amérique blessée peut en écrire. Une histoire qui commence et se termine mal, simplement parce qu’il n’existe pas d’issue en dehors de la souffrance, parce que, pour certains, seule la douleur permet d’avancer. Le bled est paumé, respire la misère et le chômage. Un beau matin, la mère de Harley s’empare d’un fusil et tire sur son mari. A bout de tout. Désespérée. Elle se retrouve en prison pendant qu’Harley, dix-neuf ans, décide de prendre en main ses trois sœurs et d’en devenir le tuteur. Pas facile pour lui, qui cumule deux boulots abrutissants pendant que les petites vont à l’école.
Amber a seize ans et le feu au cul. Harley fait ce qu’il peut pour qu’elle ne glisse pas sur la mauvaise pente. Et ce qu’il peut, c’est pas grand chose... Pour les deux petites, c’est encore plus délicat. Surtout que les traumatismes sont nombreux. Il faut dire que lorsque l’on est pas armé pour assumer une telle charge, on peut rapidement tourner maboul. Alors Harley se confie à Betty, sa psy. Même si elle a du mal à le faire parler. Le début de son salut passera par Callie, une voisine, qui le prendra sous son aile. Mais comme Harley a tout d’un frangin de galère de Vernon Caufield, plonger revient très vite à se noyer.
C’est d’une main de maître que Tawni O’Dell écrit la misère, la détresse et le désespoir à travers cette histoire qui prend tour à tour les chemins escarpés de la vengeance, de la colère et de la folie. Le parcours douloureux de ce jeune adulte, aucunement taillé pour affronter les épreuves qu’on lui inflige, bouleverse et assomme. Car rien n’est moral, rien ne part jamais dans la direction que l’on croit. A trop semer le mal, on finit par l’attirer à soi. Malheureusement, une fois l’expérience faite, il est trop tard pour revenir en arrière. Un roman qui prouve de manière tragique l’emprise de ceux qui nous ont faits sur ce que l’on devient. Et dont on ne peut jamais se débarrasser tout à fait, comme un chewing-gum collé sous une semelle.
Tawni O’Dell, Le temps de la colère (Black roads, traduit de l’américain par Bernard Cohen), 10/18, 2004, 375 pages, 7,80 €