Notre avis : Le Requiem de Mozart pour musique d’une performance équestre place le spectateur dans un sentiment comparable à celui qu’il éprouve en entrant dans une cathédrale, qu’il soit croyant ou non. Le public investit d’ailleurs la salle sacralisée au son des cloches, en attendant l’ouverture du rideau.
Requiem invoque, dans les graves, le chœur, sous la direction de Michel Piquemal, tandis que le cavalier Bartabas tournoie seul sur un cheval noir. Ces premiers gestes interprètent le livret de cette messe et préparent à l’enchaînement des tableaux funèbres.
Requiem appelle à la paix de l’âme pour le défunt et surtout au soulagement des vivants des souffrances du deuil. C’est bien ce sentiment mélangé de gravité absolue, mais aussi de légèreté et de vitalité qui nous accompagne quand huit cavalières et cavaliers aux allures de princesses et princes entrent en scène. Corps à l’abandon charriés par les montures, cheveux longs et crinières, prêtres bartabesques cagoulés, traversées de purgatoire de long en large, sur le dos de chevaux blancs vêtus de noir. Ces hommes et femmes à cheval nous emportent étape par étape vers le paradis. Le travail de l’homme et de la bête pour seul apparat, Bartabas se tient grâce à sa force de caractère, à ce principe de mise en scène sans ostentation, ni effet de mode, qui rend ses créations intemporelles.

Bartabas (c) Julien Benhamou

Lors du tableau du Confutatis, les sopranos se mêlent à la procession. Cette descente des anges, logés au balcon, avec le reste du chœur, leurs pieds plantés dans le sable du manège, rappelle symboliquement la scène du chef d’œuvre de Milos Forman, Amadeus, dans laquelle Mozart fiévreux et malade, compose le requiem. Scène mythique qui réunit tous les enjeux de notre incarnation.
La partition pour orchestre symphonique est réduite pour voix et deux pianos (version de Czerny), l’attention est donc portée sur l’interprétation vocale, même si on regrette une certaine puissance pour soutenir le final. Le rappel d’après final est délicieux de finesse, démontrant que ces élèves de l’académie équestre de Versailles sont complets dans leur expression artistique.

Bartabas (c) Julien Benhamou

Si la douleur de vivre vous égare, prenez la et faites en une oeuvre d’art. C’est ce que pourrait signifier ce requiem. Pour quelques soirs, Bartabas transforme la mort du petit cheval en une résurrection du grand canasson. Un grand moment !
A voir, A lire, A vivre !