Quitter le port
Le 13 avril 2015
Entre cinéma engagé, avant-garde lyrique et réalisme musical : un chef d’œuvre oublié d’un cinéaste à la carrière trop brève.
- Réalisateur : Werner Hochbaum
- Acteurs : Friedrich Gnaß , Gina Falckenberg, Wolfgang Zilzer, Charly Wittong, Max Zilzer
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h03mn
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– Production : Orbis-Film GmbH (Berlin)
– Visa de censure (Allemagne) du 11 avril 1932 (B.31364) : interdiction aux mineurs
– Sortie en Allemagne : 20 mai 1932
– Visa de censure (Allemagne) du 7 décembre 1933 (O.07055) : interdiction
Entre cinéma engagé, avant-garde lyrique et réalisme musical : un chef d’œuvre oublié d’un cinéaste à la carrière trop brève.
L’argument : La prostituée Else, surnommée Ballhaus-Else, vit dans une chambre de pension bon marché avec Leo (Musiker-Leo). Tous deux travaillent dans un petit bar à matelots du quartier de Sankt-Pauli, à Hambourg, lui comme pianiste, elle comme entraîneuse.
Un après-midi, Else, malade, laisse Leo aller seul au bar. Matrosen-Karl (Karl-le-marin), qui est poursuivi par la police pour avoir cambriolé une bijouterie en plein jour, s’introduit dans la chambre et Else le cache lorsqu’arrivent les agents.
Fascinée par le mirage d’une vie aventureuse Else accepte de quitter Hambourg avec Karl mais elle veut annoncer son départ à Leo. Ils se rendent donc ensemble au bar.
Notre avis : Deuxième long-métrage de Werner Hochbaum après Brüder (Frères, 1929) qui était consacré à l’évocation d’une grève de dockers à Hambourg en 1896-97, Razzia in St. Pauli a également pour cadre la métropole hanséatique, plus précisément le quartier de Sankt Pauli, sur la rive de l’Elbe, célèbre pour sa zone rouge autour de la rue Reeperbahn et théâtre d’innombrables films et séries policières allemandes.
- Razzia in St. Pauli (1932) Werner Hochbaum
- Razzia in St. Pauli (1932) Werner Hochbaum
Le film, dont l’action se déroule sur moins d’une journée, entre l’après-midi et le lendemain matin, accorde une large place aux séquences de caractère documentaire pour saisir l’animation de ce quartier portuaire, lieu de labeur, de commerce et de plaisirs factices, en faisant appel de manière virtuose à toutes les ressources du cinéma d’avant-garde de l’époque : surimpressions, décomposition et recomposition du mouvement par un montage lyrique enchaînant des instantanés (nombreux plans sur les pieds des gens qui marchent, enseignes lumineuses ou phares de voitures aveuglants, ...etc), rôle déterminant de la musique.
- Razzia in St. Pauli (1932) Werner Hochbaum
- Gina Falckenberg - Razzia in St. Pauli (1932) Werner Hochbaum
Un message marxiste sous-tend le projet, mais Hochbaum ne l’exprime de manière explicite (et redondante) que dans la séquence finale, composée de plans d’usines et de pieds d’ouvriers se rendant à leur travail pendant qu’on entend une chanson prolétarienne interprétée en off par Ernst Busch. Jusque là il observe avec une attention sans à-priori un univers interlope de bouges (On n’est pas dans un établissement de luxe, rétorque le patron du bar à un client qui demande s’il y a le téléphone), de pensions miteuses, de malfrats à la petite semaine, d’existences ratées (Else rêvant d’une vie de star de cinéma) sans céder au folklore facile. Même la présence du chanteur populaire Charly Wittong, qui interprète un air en dialecte, est un gage d’authenticité et non une concession à la couleur locale.
- Razzia in St. Pauli (1932) Werner Hochbaum
- Razzia in St. Pauli (1932) Werner Hochbaum
Les débarassant des tics du métier, le cinéaste réussit à faire trouver des poses et des accents d’une justesse étonnante à ses acteurs professionnels, en particulier Gina Fackenberg (Else), incroyable de classe sans apprêts, et à Wolfgang Zilser, Leo tout en douceur.
Il sait aussi donner une vie propre aux décors ( la chambre,le bar), aux objets (l’our en peluche et la poupée), aux innombrables visages (passants, policiers, filles) apparaissant fugacement en gros plan.
Comme dans Morgen beginnt das Leben ou dans Vorstadtvariété (Autriche 1934), ce réalisme musical, non réductible à une lecture idéologique, rapproche le cinéma longtemps occulté de Hochbaum de celui d’un Grémillon à la même époque et rend précieuse sa rédécouverte.
- Gina Falckenberg, Wolfgang Zilzer, Friedrich Gnaß - Razzia in St. Pauli (1932) Werner Hochbaum
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